S'il est bien un groupe gothique pleinement original et n'ayant assurément pas récolté les discrets lauriers de la gloire même underground, c'est bien DANSE SOCIETY. Le projet originaire de Barnsley dans le Yorkshire du Sud, dans sa forme originelle et intéressante, a été actif de 1980 à 1987. C'est peu, mais suffisant cependant pour marquer les univers sombres. La première mouture, ce sont trois albums et des singles isolés.
Seduction The Society Collection est une compilation essentielle car elle regroupe Seduction*, le premier opus ainsi que des singles épars parus entre 1981 et 1983. Avec ce disque, vous êtes littéralement transportés dans le quartier de Camden à Londres lorsque ce mouvement commençait à prendre de l'ampleur. Il n'était pas encore question de poseurs horripilants façon SISTERS OF MERCY têtes à claques. Ici, c'est l'essence du Goth et c'est tout.

Alors, pourquoi tant d’intérêt et de regrets pour un projet en définitive si peu connu en dehors de son cercle ? DANSE SOCIETY, c'est donc et surtout un son peu commun. Le projet développe des ambiances particulièrement prenantes, visuelles, quasiment cinématographiques. Ce n'est sans doute pas un hasard si "In Heaven (Everything Is Fine)" s'inspire directement d'ERASERHEAD de David LYNCH. Le quintet dès le début de sa carrière avec "Clock" frappe fort et plante les graines d'un univers unique. Tout semble déjà parfaitement en place. La voix hantée de Rawlings colle d'emblée à votre peau moite emplie de sueur. Les roulements tribaux de batterie alliés à d’inquiétants claviers forment une atmosphère étouffante. A l'instar de l'excellent "Continent", tout en notes rampantes, les Anglais exposent avec talent un monde urbain et anxiogène. Les chauves-souris ne craignent pas pour autant parfois de lisser leur propos. Les classiques "These Frayed Edges" et "Somewhere" sont une pertinente et accessible porte d'entrée que le novice ouvrira sans crainte pour appréhender la musique gothique.

A l'instar de BUDGIE des BANSHEES, Paul Gilmartin le batteur qui vient malheureusement de décéder en août dernier apporte une forme d'urgence directement inspirée du (post) punk. Un morceau comme le faussement enjoué "We're So Happy" ou le plus tendu "Woman's Own" démontrent ainsi toute l'étendue de son talent. Les DANSE SOCIETY semble également prendre un malin plaisir à être là où on ne les attend pas. C'est à l'évidence le cas lorsqu'ils injectent une belle dose d'électronique dans leurs compositions à l'instar de l'excellent "Danse Move" ou du glacial "Ambition". C'est toujours la sensation, la volonté tenace de sortir des espaces attendus qui rendent ce groupe si attachant. Un morceau comme "Hide" pourrait à lui seul résumer cette philosophie. Le chant comme distant et la basse liquide mise en avant emportent l'auditeur dans une danse ténébreuse tout aussi épuisante que stimulante. DANSE SOCIETY, si jeune, s'écarte déjà avec talent des autoroutes balisées pour prendre de savoureux chemins de traverse ( le superbe "My Heart").

Le mouvement gothique souffre indéniablement de trop nombreuses caricatures. Écouter Seduction The Society Collection, c'est la possibilité de leur tordre le cou et de constater une nouvelle fois que cet univers est riche d'originalité et d'émotions. DANSE SOCIETY en est une de ses plus belles expressions.