Quand sonne aux USA le grand tournant de l’année 63, les ténors du rock’n’roll, que se soit les purs et durs, ou les teenage idols se retrouvent à la queue du train. Il faut essayer de raccrocher les wagons, alors chacun y va de son idée ou de son style. Le duo des EVERLY connaît une sévère baisse de moral suite a des ventes de moins en moins bonnes.. Faut rebondir ! Pas évident lorsqu’on joue une musique qui sonne déjà kitschounettte. Alors, le choix se porte sur l’adaptation de plusieurs classiques de la country, et on espère que la magie provoquée par les voix des frangins sera tout aussi efficace que lors de la grande ère du rock’n’roll, il s’agit de leur huitième opus.

L’opus est avant tout placé sous le sceau des compositions du grand Don GIBSON. Nous débutons pas "Oh Lonesome Me" qui bénéficie de la guitare aérienne et fluide de l’immense Glen CAMPBELL. Nous ne sommes guère éloignés des sons habituels du duo. "Just One Time" se voit donner un traitement tonk’n’roll de première bourre dans lequel la gratte de Glen se taille à nouveau la part du lion. Je rappelle que nous ne sommes qu’en 63 et que la distorsion et autres effets fuzz en sont encore alors à leurs balbutiements. "Sweet Dreams" nous replonge dans un bain teenage idol, avec une mise en avant de la steel guitar de Red Rhodes.

L’influence de papa EVERLY est encore puissante sur le choix des reprises, ainsi nous avons deux des classiques de Hank LOCKLIN : on tombe dans le trip country' n' western sur "Send Me The Pillow That You Dream On", proches de certains des classiques du duo, mais loin de leurs qualités premières. Un joli solo de steel et la voix de Don en solo. "Please Help Me, I’m Falling" risque de vous endormir telle une berceuse, ce qui n’enlève rien à ses qualités.

Dans les grands classiques de la country, le "I Walk The Line" de Johnny CASH occupe une place à part, il est donc normal de retrouver ici cette composition. La fusion des voix de Don et Phil ne parvient toutefois pas à faire oublier la puissance et le charisme de la voix de l’homme en noir, mais l’hommage reste sympa. L’analyse est sensiblement la même pour "I’m So Lonesome I Could Cry", le standard de Hank WILLIAMS. On observe quelques digressions bienvenues face à l’originale, au moins une titounette prise de risque ! Le "Release Me" de Patti PAGE est assez daté. On imagine mal ce genre de titre attirer l’oreille de la jeunesse des sixties qui est en train de se prendre de passion pour les BEATLES d’un côté, pour Bob DYLAN de l’autre.

Toujours des ambiances western avec le slow "Lonely Street". Bien sûr, les voix des EVERLY sont taillées pour ce genre d’harmonies, mais on s’endort pas mal et tout ce déchaînement d’ambiances western ne va pas réveiller nos auditeurs, pas plus que la traînante "Born To Lose". Dieu merci, quelques titres sont plus enlevés : les CRICKETS de Buddy HOLLY ont composé "This Is The Last Song I’m Ever Going To Sing" pour le duo. Le titre s’écoute super bien avec beaucoup de rythme et une vraie filiation avec leurs classiques. Seule la "Silver Threads And Golden Needles" popularisée par Wanda JACKSON trouve quelques éléments plus modernes à mettre en avant, les grattes sont belles.

Soyons clairs, il n’y a aucune honte à proposer un tel matériel, surtout lorsqu’on dispose des organes vocaux des EVERLY pour en faire de jolies réalisations. Le gratin des guitaristes de Nashville est là et tout ceci est fort professionnel. Hélas, pour le moment, la country n’a pas encore réellement rebondi, il va nous falloir attendre encore un peu avant de voir la scène prendre une réelle consistance. Du coup, le disque va faire un joli flop en termes de vente, même si aujourd’hui il annonce le revival de la country à venir ainsi que quelques effluves de country rock. Je reste sur un trois évident et les EVERLY sont au début de leur chute libre, à l’instar de leurs collègues du KINGSTON TRIO pour le folk revival.