Quand la vague punk déferle en Amérique, le jeune Michael GIRA est alors un jeune homme légèrement paumé. Il vient d’arrêter ses études quelques mois seulement avant l’obtention de son diplôme en art, dégoûté par la mentalité régnant dans son école de Los Angeles. Ceci suivait une période d’errements qui le mena jusqu’aux geôles israéliennes.

Même s’il prétendra plus tard que le punk a ruiné sa vie, ce dernier offre cependant un exutoire parfait à une rage décuplée par l’engagement politique du mouvement et son rejet global du système. Cet artisanat inspirant se matérialise premièrement via la publication d’un éphémère fanzine – grâce auquel il rencontre ses idoles SUICIDE – puis le persuade qu’il peut aussi bien se réaliser en tant que musicien, bien qu’il n’ait jamais touché un instrument ou chanté auparavant.

GIRA monte ainsi son premier groupe, mais l’expérience tourne court, le résultat ne le satisfaisant pas. Il comprend alors que, pour avancer, il doit se positionner au cœur du réacteur : New York où la no wave prend déjà le relais du punk via une musique exigeante et radicale composée par une foule de formations sans compromis réunies par ENO sur la compilation séminale No New York. Le jeune homme déménage ainsi dans la Grosse Pomme en 1979 et s’entoure rapidement de musiciens en vue d’un projet neuf.

Celui-ci prend le nom évocateur de CIRCUS MORT et s’articule en quintet : Jonathan KANE derrière les fûts, les frères BRAUN prenant basse et clavier ainsi que Rick OLIER à la guitare, quand GIRA conserve le chant. Le collectif parvient à finaliser des chansons qu’il propose lors de concerts puis est repéré par un label confidentiel qui produit leur unique E.P éponyme.

Circus Mort s’essaye à une musique aussi tendue et crispée que le personnage mystérieux ornant sa jaquette, une légende circule d’ailleurs selon laquelle les membres du groupe étaient sous amphétamines pendant l’enregistrement. Il s’agit d’un post-punk au sens premier du terme, vaguement arty, se manifestant via une basse évidemment proéminente, des synthés assez naïfs et des guitares pleines d’écho, mixture sur laquelle GIRA pose une voix encore relativement appliquée. Les rythmes sont nerveux bien que se syncopant soudainement parfois. Si on devait se risquer à une filiation maladroite, citons pêle-mêle les débuts de JOY DIVISION sous le nom de WARSAW, KILLING JOKE (le très bon "Children Remember" aux synthés aériens et gimmicks de guitare typiques) voire GANG OF FOUR ou les B-52’s pour cet aspect dansant ("Yellow Light").

Après cet E.P, CIRCUS MORT poursuit un temps les concerts, jouant même en première partie de BAUHAUS avant de se séparer en 1981. Reste cette œuvre de jeunesse que GIRA rejettera violemment par la suite, pourtant attachante et portant déjà les stigmates d’un futur que personne, y compris lui-même, n’imaginait à cet instant précis.