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- Style : The Moody Blues , The Nice

PROCOL HARUM - Shine On Brightly (1968)
Par MARCO STIVELL le 14 Février 2025          Consultée 266 fois

Le succès massif de PROCOL HARUM dès ses premières heures s'accompagne naturellement de concerts remarquables. À noter qu'un certain Jimi HENDRIX était présent auprès d'eux dès leur premier concert au Speakeasy de Londres, dans les choeurs surtout et venant même tenir la basse pour un titre ! Au début de l'automne, après la sortie du premier album, ils proposent "Homburg", un nouveau single façon ballade au sentimentalisme musical fort, autre tube immédiat, bien que nettement en deçà de "A Whiter Shade of Pale" pour l'ensemble de ces critères. Tout leur sourit et pourtant, la starisation va vite se calmer en raison de, non seulement les changements de membres trop rapides quelques mois plus tôt (non sans quelques déboires judiciaires), mais aussi celui de management (le précédent avait cru pouvoir profiter de leur notoriété en balançant des tournées harassantes pour des cachets bien amoindris !).

PROCOL HARUM devint quelque peu boudé dans son Angleterre natale à cause de tout cela, ils ne s'y produiront point pendant plus d'un an et heureusement, les Etats-Unis ont entretenu leur succès. En 1968, leur deuxième album Shine on Brightly y marche fort, contrairement à la mère patrie. Un exemple rare en la matière, pour cette dernière année de montée réelle vers un nouveau courant pas encore appelé rock progressif, très nette depuis 1966 et dont la bande à Keith Reid et Gary Brooker se révèle tout aussi essentielle que les MOODY BLUES, puis The NICE. À ce moment-là et avec le recul, il s'agit de 'proto-progressif', avec une ambition musico-instrumentale certaine et des allongements de morceaux aux couleurs narratives, mais aussi un format de chanson pop 60's toujours très nette et, à côté de cela, l'influence psychédélique bien en vogue, bruitages comme mélodies appropriés.

Shine on Brightly occupe bien son rang d'album pionnier, mais sa gestation est, une fois de plus dans l'histoire du groupe, un joyeux bordel. Ce qui est clair, c'est que dans la structure de six membres, il y a une moitié de créateurs (Reid, Brooker et Fisher) et une autre de simples exécutants (Trower, Knights et Wilson). En revanche, au niveau production, l'ambiance est assez houleuse. Bien que créditée seulement au producteur Denny Cordell (le même que pour l'album précédent), à la moitié de sa réalisation, il y a séparation avec le reste du groupe, en grande partie parce que le monsieur veut convaincre le batteur B. J. Wilson de s'en aller pour rejoindre l'équipe d'un certain Joe COCKER. Wilson, reconnu comme l'un des meilleurs de son temps, joue en effet sur le tube du chanteur montant, "With a Little Help From My Friends", reprise tonitruante des BEATLES sortie en 68, mais c'est tout. Il décline même l'offre LED ZEPPELIN pour devenir leur premier batteur !

En plus de cela, on voit des noms pas encore prestigieux se succéder pour achever la production, à savoir Tony Visconti (bientôt avec David BOWIE) et, soutenu par Keith Reid, Glyn Johns, très proche des ROLLING STONES époque 68-69 notamment avec deux de leurs meilleurs albums, mais aussi LED ZEPPELIN (tiens !) pour leur premier opus l'année suivante, mythique, sans parler de The WHO et leur Who's Next (1971). Résulte un album aussi coloré que le montre sa pochette, avec son pauvre piano (même si certains modèles de clavecin ont également cette forme) fondu au soleil, envenimé par une bestiole rampante et infesté de spectres. Un album avec deux faces, une plutôt chansons 'simples' et une autre façon suite musicale comme certains (The WHO pour ne citer qu'eux) en font déjà et comme il va en fleurir des tonnes pendant les dix-quinze années prochaines.

"Quite Rightly So" permet de garder sans trop de mal le public sensibilisé à "A Whiter Shade of Pale" avec son côté 'lover' éperdu et son aspect ballade épique. On note toutefois un refrain plus mordant avec guitare saturée, la voix haut perchée de Brooker qui donnera sans doute bien des idées, lui-même ajoutant ensuite son piano dans les graves tandis que Fisher à l'orgue Hammond favorise les nappes, la batterie de Wilson frappant plus fort ensuite... Un excellent slow enrichi, auquel "Rambling On" tente de faire écho (mais légèrement moins bien) en fin de face A, avec les paroles d'un Keith Reid qui se laisse un peu plus aller, s'imaginant sautant du haut d'un immeuble afin d'imiter Batman ! Il y a également plus de libertés niveau musique et enregistrement avec ces tons militaires, ces fondus travaillés.

Bien qu'un peu redondante, "Wish Me Well" est une complainte de caractère avec Robin Trower soutenant Brooker aux vocaux lead pour la première fois, et le groupe fait toujours preuve de maîtrise instrumentale. "Shine on Brightly" inverse les rôles de "Quite Rightly So" du côté du piano et de l'orgue, avec un effet bien solaire, en effet et typiquement psyché. Fisher couronne d'un solo sifflant le type d'hymne désormais cher au groupe. "Skip Softly (My Moonbeams)" offre une pop d'époque aux élans diversifiés, avec le chant narratif de Brooker, les chœurs légers en réponse, la guitare branchée sur cabine Leslie, le pont planant auréolé d'un piano oriental, la batterie mitrailleuse sur le maelstrom final... On retrouve certaines de ces touches sur la noire "Magdalene (My Regal Zonophone)" où une folie surréaliste s'installe (trompettes imitées par des bouches humaines incluses) s'installe durablement au sein d'une ambiance nébuleuse, surprenante.

La folie, justement est à l'honneur sur la face B, avec des touches de spiritualité hippie plus ou moins décadentes. N'allez point chercher midi à quatorze heures pour la signification du titre de la suite longue de 17 minutes 30, "In Held 'Twas in I", un simple acrostiche voulu par Keith Reid qui a gardé le début d'un vers de chacune des cinq parties et combiné le tout. Il n'aurait d'ailleurs rien écrit de la "Grande Finale", laissant le tout à Matthew Fisher qui prend de plus en plus confiance. Chose certaine, ça fume dur et sec de la fine herbe, rien qu'avec ces "Glimpses of Nirvana" évoquant Jésus autant que le Dalaï-Lama plusieurs fois sur un ensemble tour à tour planant et dévastateur ! Sacrée ambiance, avec ses bourdons d'orgue, son piano romantique, ses cloches etc.

Comme indiqué dans le titre, "Twas Teatime at the Circus" lorgne plus vers la musique foraine, tout rempli de vocaux délirants, d'applaudissements et s'achevant sur une destruction de bâtiment, de quoi enchaîner avec "In the Autumn of My Madness", chanté par Fisher cette fois, nouvel hymne ponctué de sons de klaxons, de sirènes de police... Amateurs de A Saucerful of Secrets et autres, vous trouverez votre bonheur ici ! La mélodie sombre et tortueuse de "Look to Your Soul", introduite par une sorte de marche vers une exécution, révélant du clavecin, une basse goulue et de la guitare atonale, constitue le meilleur moment d'ensemble, avec la "Grande Finale", hymne puissant qui ramène la lumière avec une chorale digne et un solo de Trower des plus héroïques.

Pour le moins foisonnant, Shine on Brightly est une œuvre faite de beauté autant que de cynisme, quelque peu victime parfois de son ambition à travers une certaine uniformité (toujours ces ballades religieuses) ou simplement d'idées pas forcément marquantes (la première face surtout). Les musiciens se laissent aller pour notre plaisir et en même temps, ils semblent bien se complaire dans leur trip sans que ce soit toujours justifié, perdus parfois dans leur réalisation tumultueuse et faisant intervenir plein de musiciens extérieurs (dont apparemment ceux du groupe TRAFFIC) sans même les créditer. Malgré cela, c'est une pierre angulaire de son époque, et, à défaut de l'adorer comme un Days of Future Passed (1967) plus simple ou les chefs-d'oeuvre prog à venir, il est à écouter et pas qu'une seule fois !

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   MARCO STIVELL

 
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- Keith Reid (paroles)
- Gary Brooker (chant, piano)
- Matthew Fisher (orgue hammond, chant, piano)
- Robin Trower (guitares, chant)
- Dave Knights (basse)
- B. J. Wilson (batterie)


1. Quite Rightly So
2. Shine On Brightly
3. Skip Softly (my Moonbeams)
4. Wish Me Well
5. Rambling On
6. Magdalene (my Regal Zonophone)
7. In Held 'twas In I – A) Glimpses Of Nirvana
8. In Held 'twas In I – B) Twas Teatime At The Circus
9. In Held 'twas In I – C) In The Autumn Of My Madnes
10. In Held 'twas In I – D) Look To Your Soul
11. In Held 'twas In I – E) Grande Finale



             



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