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2025 SphaÎra
 

 Sara Persico Bandcamp (86)

Sara PERSICO - SphaÎra (2025)
Par STREETCLEANER le 9 Février 2025          Consultée 439 fois

L’architecture et la matière sonore sont intimement liées, et nombre d’études ont été menées sur ce sujet qu’on appelle ‘acoustique’. Les sons sont influencés par les propriétés architecturales de l’espace : certains bâtiments ont, par exemple, une formidable capacité à réverbérer les sons, à les repousser en échos plus ou moins longs ; tout dépend des coefficients d’absorption des matériaux, du volume de l’endroit car les temps de réverbération sont non seulement liés aux matériaux mais également au volume de la pièce, du hall etc.

Le milieu de la musique électronique s’est déjà intéressé à l’architecture, on pense au Japonais Tetsu INOUE et son Waterloo Terminal (1998) ou à The BLACK DOG avec ses albums sur le thème du brutalisme, notamment Music For Moore Street Substation (2023) et sa centrale électrique ainsi que plusieurs E.P sur le sujet.

La jeune compositrice napolitaine Sara PERSICO a, quant à elle, décidé de s’intéresser au Rachid Karami International Fair, situé à Tripoli (Lybie), sorte de parc des expositions remontant aux années 60, jamais terminé à cause de la guerre civile de 1975, structure qui avait vocation à mettre en valeur les tenants culturels du pays. Sa partie la plus impressionnante est le théâtre expérimental, un immense dôme que l’architecte brésilien Niemeyer a conçu comme un espace de représentation moderne ; son acoustique produit un "effet chuchoteur" étrange qui permet aux visiteurs, debout sur les côtés opposés du bâtiment, de s’entendre clairement, peu importe la douceur de leur voix. C’est cette partie du bâtiment qui a intéressé la jeune artiste, elle y a consacré plusieurs heures d’enregistrements en chantant, criant, chuchotant et jouant sur les sons de divers matériaux et objets.

Ces sons enregistrés (field recording) vont servir de matière brute au premier album de PERSICO, sorti sur le label Subtext. Il ressort de ce court album (environ 33 minutes) une atmosphère étrange, irréelle, qui traduit parfaitement celle d’un lieu déserté, abandonné, en état de délabrement d’où la civilisation humaine a disparu. Il y a quelque chose qui ressemble aux longues phases d’exploration d’environnements vides d’un jeu comme The Last Of Us ou Silent Hill, c’est flagrant sur "Maze" ; "Kairos" aux allures de ruine industrielle dans le vent, proche de la dub-techno, ou "Rashid Karami", avec ses martèlements métalliques de fond, nous plongent dans des ambiances qui nous inciteraient également, dans la vraie vie, à jeter constamment des coups d’œil derrière notre épaule.

Certes, il y a ces piaillements d’oiseaux ("The Center Cannot Hold", "Domescape"), cet appel à la prière dissimulé dans le lointain "34°26’14”N 35°49’24”E", ces voix chuchotées, murmurées, voire plus criardes "Brutal Threshold", mais celles-ci sont sans vie et passent tels des spectres qui sont encore présents parce que ces lieux les ont gardés prisonniers en souvenir. Ce sentiment semble être corroboré par l’impression de l’artiste elle-même : "The deeper I went, the more I realized how this music had a special energy… As I was stretching the samples, the sound was revealing more information and more details. Perhaps a place with history keeps more inside than we can perceive."*

Comme "Domescape", le vaporeux "Peripheral", le très joli "Voices Organ", flottant, aux textures quasi liquides s’égouttant dans un environnement aux parois ‘réverbérantes’, ou l'irréel "Dust" tranchent avec ces titres plus stressants et l’alternance de passages en clair/obscur nous amène à envisager cet album comme un parcours dans un décor, là aussi un peu à la façon d’un jeu vidéo, même si ce n’était peut-être pas une volonté de sa créatrice.

Cet album d’ambient possède une personnalité indéniable et quelque peu insaisissable, mystérieuse, qui se démarque clairement de la quantité innombrable d’albums qui sortent chaque année sous cette étiquette. A partir de fragments du réel dont il s’affranchit, il nous guide avec douceur vers des territoires dont les structures physiques s’estompent, se brouillent, s’évanouissent pour laisser place à une dimension qui relève du pur imaginaire, du pur fantastique ; un seuil a été franchi, une membrane percée vers un ailleurs où notre esprit devient un explorateur de l’éther. Nous sommes à la fois là, présents dans ces lieux, et en même temps absents, une sorte de probabilité quantique de notre moi qui rompt avec les lois de la physique classique. Une entrée dans un monde étrange, à la Haruki Murakami, où des mondes probabilistes laissent notre double dans un ailleurs à la fois connu et inconnu.

Un bel album auquel on aurait aimé ajouter 7 à 10 minutes.

Note : 3.75/5


• « Plus j’explorais [ces enregistrements], plus je réalisais que cette musique avait une énergie particulière... Comme je déroulais les échantillons, le son révélait plus d’informations et de détails. Peut-être qu’un lieu avec une histoire conserve plus de choses à l’intérieur que nous ne pouvons le percevoir. »

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   STREETCLEANER

 
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- Sara Persico


1. The Center Cannot Hold
2. Brutal Threshold
3. Blue Box
4. Maze
5. Rashid Karami
6. Domescape
7. Kairos
8. Peripheral
9. Voices Organ
10. 34°26’14”n 35°49’24”e
11. Dust



             



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