3ème E.P de COCTEAU TWINS, et déjà le deuxième de l'année 1983, Sunburst and Snowblind confirme la créativité croissante du groupe écossais, en seulement un an d'existence, alors que Will Heggie, son bassiste, vient de le quitter.

Désormais seuls maîtres à bord, Robin Guthrie (guitare et programmations) et Elizabeth Fraser (chant) développent leur style musical qui conserve une forte orientation cold wave sans s'y emprisonner, mais en renforçant la dimension pop des compositions. Les rythmes et mélodies, un peu moins abstraits, se font plus structurés à partir d'une base qui ne craint plus de s'aventurer dans le plaisir auditif d'une accroche plus immédiate. Le single "Sugar Hiccup" demeure le plus illustre représentant de cette nouvelle tendance davantage 'mainstream'. Ce titre d'ailleurs est le seul single extrait d'un album que le groupe ait exploité durant les années 80, ce qui prouve à quel point ses nombreux E.P (8 au total dans la décennie mentionnée) constituent une production alternative ne servant pas à favoriser la vente des albums. Il s'agit en réalité d'une matière riche et originale, qui s'additionne à la sortie des 5 L.P (entre 1982 et 1988) donc indispensable à tout amateur sérieux de COCTEAU TWINS.

Si l'on considère la seule année 1983, c'est l'équivalent de un album (Head Over Heels) et demie (Peppermint Pig, Sunburst and Snowblind) que publie le label 4AD, le groupe traversant une période frémissante de créativité.

Ce E.P constitue le premier jalon de la période dorée du groupe. Les 3 titres qui le composent, sans compter le single "Sugar Hiccup" déjà mentionné dans la chronique de l'album correspondant, sont d'une telle qualité qu'ils auraient pu favorablement remplacer les pistes les plus anecdotiques de Head Over Heels.

Si "Sugar Hiccup" s'impose comme la pièce pop parfaite (Robin Guthrie se fera une spécialité de ce type de défi artistique), "From the Flagstones", "Hitherto" et "Because of Whirl-Jack" n'ont rien à lui envier. La chanteuse Liz Frazer s'implique encore davantage au micro, n'hésitant pas à lâcher les vannes d'un organe vocal puissant qui la pousse aux limites de l'asphyxie sans négliger pour autant son timbre. A ce titre, "Hitherto" délivre une performance vocale impressionnante à l'énergie que n'aurait laissé supposer la silhouette alors gracile de la chanteuse. Elle démontre avec "From the Flagstones", mid-tempo lancinant d'une beauté hypnotisante, qu'elle peut également contrôler son énergie jusqu'à créer un sentiment de suspension fort probant.

Robin Guthrie s'affirme de son côté comme l'architecte sonore de COCTEAU TWINS, jonglant avec maestria entre sa guitare, toujours aussi climatique, noyée dans des volutes éthérés aux accents psychédéliques, ses programmations étranges de la boîte à rythme et les claviers qu'il emploie d'une façon qui ne ressemble à rien de connu dans la sphère new wave contemporaine. Il est aussi l'artisan des mélodies, toutes excellentes, aussi bien sombres ("Hitherto") et poétiques ("From the Flagstones" que résonnant sur des échos de rock rétro (l'étonnant "Because of Whirl-Jack"*, sorte de petit frère de "Multifoiled"*, 8ème piste de l'album Head Over Heels).

Cet E.P sert de transition idéale entre les premiers efforts studio de COCTEAU TWINS, encore bien underground, et la période 'rococo' qui débute par l'album Treasure en 1984 et trouve son paroxysme auto-caricatural avec l'album Blue Bell Knoll de 1988. Il existe une édition qui compile le L.P Head Over Heels et l'E.P Sunburst and Snowblind. Etant donné la qualité du second et le fait que leurs enregistrements sont issus des mêmes sessions, du moins réalisés dans un esprit commun, c'est l'édition qu'il est préférable de se procurer pour bénéficier de l'album officiel augmenté du E.P. Le seul regret avec cette édition compilatrice, c'est la perte de la sublime pochette de Sunburst and Snowblind, de loin ma préférée, si caractéristique de la beauté d'une musique étrange et rêveuse, chantre d'une philosophie rappelant celle de l'art pour l'art chère à Charles Baudelaire.

*"Because of Whirl-Jack" et "Multifoiles", par leurs effluves de rock vintage, pourraient établir un lien avec le rock déglingué d'Angelo BADALAMENTI.