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2003 Metamorphose

MORDIGGAN - Metamorphose (2003)
Par MARCO STIVELL le 20 Juillet 2025          Consultée 12 fois

Dans la mythologie lovecraftienne, Mordiggian est le nom du frère de Cthulhu (le plus célèbre), dans la famille des Grands Anciens, dieux cosmiques terrifiants qui un jour ou l'autre reprendront leur place sur Terre. Ce n'est en revanche pas celui qu'avaient de base choisi une bande de musiciens originaires de Charlieu, dans le département de la Loire (42). Plus exactement, aux confins nord de cette magnifique Loire terrestre traversée par la fluviale, grand couloir assez contrasté ; d'abord l'arrivée par la vallée du Rhône qui descend au sud-est jusqu'à Saint-Etienne, ensuite plus longuement et de bas en haut, la grande eau courante séparant le Forez-Livradois auvergnat d'un côté et de l'autre le Lyonnais-Beaujolais. Au-dessus de Roanne et tout juste avant la Bourgogne, Charlieu se tient près de cette route magnifique et tranquille qui longe la rive droite de la Loire. Un pays que même un dieu-démon tout droit sorti de l'imagination pathologique de ce bon vieil H. P. Lovecraft ou l'un de ses suiveurs ne voudrait point tourmenter !

C'est là qu'une équipe de musiciens charliendins-roannais s'unit à la fin des années 1990 avec pour passion commune des goûts allant du hard-metal au rock progressif. Il y a d'abord Sandro Gérace, batteur qui sera le seul membre à écrire l'histoire des débuts jusqu'au dernier concert, puis Serge Boyer le guitariste, et ensuite pas mal de membres allant et venant jusqu'en 2002. Ils se nomment alors STIGGMA et se font connaître dans un rayon local entre le pays stéphanois et Villefranche-Sur-Saône, capitale beaujolaisienne où un premier album, Il Faut Y Croire (2000) est enregistré en autoproduction. On y voit déjà le sympathique logo du groupe, deux 'g' majuscules comme dans son nom et se faisant face, avec des airs de créature noire, cornée et menaçante. Le chanteur se nomme alors Maxime, remplaçant Mathieu Lapallus qui est passé à la guitare rythmique, tandis qu'une chanteuse-flûtiste, Sophie Boyer, soeur de Serge, est devenue un des piliers du combo tout en l'illuminant de sa présence. À la basse, Pierrick apporte depuis un an une stabilité désirée et bientôt, ce sera pareil pour Loïc Ravazi aux claviers.

En 2002, STIGGMA change de nom pour MORDIGGAN, en conservant les deux 'g' donc. Et là, le groupe monte encore d'un cran avec l'enregistrement de ce qui deviendra Métamorphose, à Villefranche de nouveau. D'abord, il est autoproduit puis, assez vite, ils obtiennent une meilleure opportunité de distribution grâce à Brennus, label basé dans le Tarn (81) et lié de près à Musea Records. Autrement dit, MORDIGGAN appartient désormais à la grande famille des groupes français pouvant avoir un rayonnement à l'étranger aussi bien dans le public prog que metal, avec quand même plus d'accointances pour ce dernier et ses penchants les plus mélodiques. D'ailleurs, dans le même catalogue, on rencontre SATAN JOKERS ou bien DYSLEXIA, en première partie de qui nos charliendins-roannais avaient joué. Ils ne profiteront guère longtemps de pareils tremplin et avantages hélas, mais Métamorphose demeure un des disques si bien faits et comptant dans la trésorerie culturelle qu'on regrette vraiment que les choses n'aient pu aller plus loin.

Si bien fait mais avec la mesure de ses moyens car dans le studio Backstage où le disque est travaillé tout comme son prédécesseur (dont il est difficile de trouver trace), le son n'a pas cette évidence des grosses productions claires et plus ou moins équilibrées. Au moins, on profite et avec bonheur de ce qui reste l'une des meilleures oeuvres prog-metal françaises et en langue de Molière s'il vous plait ! STIGGMA mêlait chants en anglais comme en français, et le fait de changer pour MORDIGGAN symbolise également cette décision de ne garder que la langue natale, dans laquelle Sophie Boyer et Maxime sont naturellement plus à l'aise. Seulement voilà, quand Métamorphose est réalisé, Maxime n'est déjà plus de l'aventure, mais il laisse bon nombre de ses textes que Jérôme Bougaret (ENTROPIA) complète et interprète, pour part masculine. On apprécie d'ailleurs ce timbre quelque part entre Christian Décamps de ANGE, y compris pour l'aspect théâtral (plus léger), et Jean-Jacques GOLDMAN durant son époque TAÏ PHONG, quand Jérôme pousse brusquement dans les aiguës.

Elle convient fort bien à un album-concept qui donne voix de chapitre à un dieu-démon mieux connu des non-amateurs de littérature fantastique, Lucifer lui-même, qui voudrait bien prendre le contrôle de l'humanité, sachant qu'elle-même, violente, perdue/en perdition ou bien trop confrontée à une religion moraliste, va dans son sens. Beaucoup de complaintes rock grasses ici, mais intelligemment tournées, y compris dans les quelques moments où elle incluent des voix pitchées dans les graves menaçantes, voire carrément du growl (auquel Jérôme est accoutumé avec ENTROPIA). Et à côté de cela, Sophie Boyer, toujours dans la lumière qui perce l'animosité, jouant épisodiquement d'une flûte fort bienvenue, d'autant qu'elle fait tendre la musique davantage vers du progressif classique. Foi de quelqu'un qui voit très vite le metal sophistiqué comme superflu ou donnant trop dans la virtuosité, c'est un album idéal et diablement bien exécuté, tout en faisant honneur à la langue française qui plus est.

La rythmique incarnée par Sandro et Pierrick avec, par-dessus, la double dose de guitares servie par Serge (solos) et Mathieu fait mouche de façon constante. Le début metal-prog rapide de "Prélude au Crime" tout comme son final emporté suffisent à nous convaincre, Loïc ajoutant les cordes nécessaires aux synthés. Entre les deux, donc, le Diable planifie son retour, et l'on est déjà conquis par l'unité des voix entre Jérôme et Sophie, en réponses comme en harmonies. "Signe de Vie" poursuit dans ses tons heavy assénés, tandis que "Visionnaire" calme le jeu en incorporant du groove et des éléments néo-baroques. L'esprit nocturne distillé par Sophie au départ, ensuite la prière commune en alternance avec Jérôme, le solo héroïque de Serge... À ce stade, on pense déjà à un grand album et raison nous est donnée, jusqu'à cette conclusion par un "Dieu du Tonnerre" dont la cavalcade speed-metal n'a rien de kitsch et comprenant une deuxième intervention de flûte pour quelques couleurs pagan/païennes fort jolies.

Tandis que "Retour du Mal" déploie en effet cet aspect sauvage (à peine tempéré par la flûte de Sophie) et "Des Lignes et des Hommes" met en avant les travers les plus belliqueux de l'humanité, notamment depuis la Première Guerre Mondiale (riff magmaesque grandiose et final guerrier magistral), d'autres titres jouent encore davantage la carte mélodique avec brio. "Devenir" possède un très beau refrain pop en choeur, des arpèges acoustiques splendides et sombrement réverbérés introduisent "Peur du Vide" et "Que la Lumière Soit", peut-être les deux meilleurs titres de l'ensemble. Ce dernier, planant d'abord puis peu à peu musclé, éclate en son pont haletant, avec un duo Serge-Loïc pour des guitare et clavecin de folie. Et que dire de "Peur du Vide", où Jérôme ouvre dans le folk noir, avant que Sophie prenne le relais en majesté sur le départ rock, leur tandem officiant au meilleur, cependant que Serge côtoie des cimes habitées par des gens comme Steve Rothery (MARILLION) nettement plus que John Petrucci (DREAM THEATER) ?

Vraiment, quelle tristesse d'imaginer que, même à l'époque, un tel groupe et une telle oeuvre n'aient pas fait davantage parler d'eux, ne serait-ce qu'au niveau national. Même dans les cercles prog Internet dont je faisais partie avec beaucoup de metalleux, ce nom n'est sans doute jamais ressorti, et pourtant ! Pour une porte d'entrée vers le metal progressif, quitte à camper sur ces rives-là durablement d'ailleurs, Métamorphose était vraiment tout trouvé. Même sa pochette était splendide, sans parler de l'illustration verso du boitier CD. Et puis cette valeur ajoutée dans le chant mixte, avec de beaux airs de TOUCHSTONE à la française (ces chers Anglais n'ayant sorti des albums que peu après finalement) ! Vraiment une très belle incarnation musicale du pays Charlieu-Roanne voire jusqu'à l'agglomération stéphanoise où MORDIGGAN donnera avec les membres restants (Sandro et Sophie en particulier) et leurs remplaçants un dernier concert au début 2006. Enfin, à l'époque, on suppose (à tort) que c'est le dernier, tout comme cet excellent disque ! À suivre (dès que possible)...

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   MARCO STIVELL

 
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- Sophie (chant, flûte)
- Jérôme (chant)
- Serge (guitares lead)
- Mathieu (guitares rythmiques)
- Loïc (claviers)
- Pierrick (basse)
- Sandro (batterie)
- Mike (choeurs)


1. Prélude Au Crime
2. Signe De Vie
3. Visionnaire
4. Devenir
5. Peur Du Vide
6. Retour Du Mal
7. Des Lignes Et Des Hommes
8. Que La Lumière Soit
9. Viking
10. Dieu Du Tonnerre



             



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