Paul Gordon Barker ? Ça ne vous dit rien ? Hermes Pan ? Le lunetteux qui traînait avec ce phénomène nommé Al Jourgensen dans le Chicago de la fin des 80's ? L'homme de l'ombre que toute formation rigoureuse souhaiterait avoir à sa disposition tant l'histoire aura démontré que le grand MINISTRY, celui de The Mind Is A Terrible Thing To Taste, Animositisomina et Filth Pig lui devait beaucoup ? Pour ne pas dire tout ce qui faisait sa nature conceptuelle, venimeuse et propice au questionnement (à l'inverse de l'orientation grasse et testostéronée que Al prendra une fois son bras droit parti vers des horizons plus personnels) ? Bon, peu importe. Toujours est-il que si l'Oncle Al n'en finit plus de repousser les limites de la déchéance tout en promettant un hypothétique dernier véritable album de son Ministère : Paul, via son projet solo LEAD INTO GOLD, qu'il entretient depuis la fin des années 80 et l'âge d'or de l'indus, traîne sa carcasse dégingandée de clubs en clubs en transmettant sa bonne parole. Un enseignement touchant autant au DIY qu'à un ésotérisme cyber cold qui, au fil d'une discographie aussi brève que discrète, atteint avec ce The Eternal Parousia un sommet de ceux capables de rassembler au-delà-même des sphères underground.

En effet, vous aurez beau vous complaire dans une position d'hermétique convaincu ou de néophyte candide à l'indus comme aux précédents volets de LEAD INTO GOLD (du génial et introductif Age Of Reason de 1990 au plus labyrinthique The Clutter From The Gutter de 2023, il vous sera compliqué de ne pas vous prendre au jeu de cette mécanique tout sauf pop mais obsédante au possible. La marque de fabrique d'un projet qui n'a jamais été aussi dansant dans son propos que sur cet opus. A ses rythmiques imparables et martiales traditionnelles, Paul a incorporé des éléments vaguement indie dance/trip hop et electronica. L'impression d'assister à un compromis entre les premiers méfaits de NINE INCH NAILS et un MASSIVE ATTACK dopé aux drones cinglants (mais pas trop non plus).

Le titre éponyme étonnera d'ailleurs le puriste de la période Wax Trax avec son feeling proche de LINKIN PARK. En apparence seulement. Ces interférences à foison associées à ces vocaux nasillards, filtrés, aussi caustiques que terriblement accrocheurs. Pas de doute à avoir : il s'agit bien du nouvel album du faux geek taciturne qui tint la quatre cordes dans les rangs du Ministère à l'époque de sa grandeur. "R Glamour" n'a d'ailleurs de glamour que le patronyme. C'est de loin la composition la plus hostile et insidieuse du disque (cette complémentarité des synthétiseurs abrasifs et de la basse narquoise). Suite spirituelle logique du mythique "Faster Than Light", "It's All A Sign" est sans conteste un des morceaux les plus marquants de cette première moitié des 2020's, avec ses attaques new wave presque MAGAZINE/STRANGLERS dans l'âme mélée à une section rythmique addictive. Voilà un tube. Un vrai de vrai. "Lionize" pourrait s'être évadé du répertoire de CABARET NOCTURNE si le plus énigmatique des Belges s'était décidé à durcir le ton. Le plus éthéré (sans pour autant renoncer à une certaine énergie) "We Can Be Paralysed" sonne très post-punk revival et apporte la respiration nécessaire à un ensemble qui, bien que moins radical que ses aînés de l'après 90's, demeure malgré tout écrasant de noirceur (allez, disons grisaille). "The Pall You Know" fait le lien avec les ambiances telluriques de son grand frère de 2018 The Grind Behind The Grind tandis que "From Tomorrow", offensif à souhait, s'impose comme le second hit en puissance de ce cru 2025. Un peu de douceur (façon de parler) pour conclure ? C'est possible avec "Dripping From The Hilt", outro à l'onirisme perturbée. Presque une berceuse dans sa catégorie post indus carabinée à la SIGUR ROS revisitée par le Gary NUMAN contemporain.

Captivant, cohérent, alliant puissance, mélodies, agressions et raffinement avec une habileté sans faille, The Eternal Parousia est à coup sûr une des sorties les plus immanquables de cette année et une référence des 2020's. Sans doute le LEAD INTO GOLD le plus abouti depuis les débuts chez Wax Trax. Que ceux qui désespèrent d'entendre le MINISTRY actuel proposer autre chose que des caricatures d'indus et des remix piteux emballés dans des photos d'écureuils priapiques se jettent sur cet artefact hybride cérébral et machinique sans plus attendre.