Rien est ringard. Rien est moderne. Rien est ridicule. Rien est courageux. Rien est déroutant. Rien est un album de GRATUIT. Gratuit. En version digitale. Mais pas gratuit en version vinyle rouge sérigraphiée. Si vous n’avez rien à faire de ces 10 euros, vous pouvez donc les lâcher à Kithybong, un label indépendant nantais très valeureux et très fan de lucha libre. Accessoirement, c’est une sortie un peu à part dans le catalogue du label, peu orienté électro, même s’il compte aussi dans ses rangs ELECTRIC ELECTRIC.

GRATUIT est un one man band comme on dit dans la langue de Benny Hill. Armé d’une boîte à rythmes, d’un synthétiseur et d’un chant en français à la limite du parlé. Ceux qui n’ont pas honte de connaître PZK penseront à ces ersatz de TTC. Les gens de goût penseront directement à TTC. Pas seulement à cause des sonorités technoïdes volontairement (?) ringardes, mais aussi à cause des intonations aiguës, qui achèveront de justifier le lien avec TTC. Plus confidentiels, les toulousains de PROGRAMME seront rarement évoqués, bien qu’ils partagent avec GRATUIT un penchant pour la critique sociale. Mais GRATUIT se prend moins la tête, c’est évident.

Derrière GRATUIT, il y a un homme peu impressionnant question technique, que ce soit en termes d’écriture ou de composition. Réflexion ô combien ignorante, car il faudrait être vraiment capable d’en juger. En outre, elle n’est absolument pas une critique négative, car les mélodies sont très accrocheuses et restent un moment en tête. Certains artistes/albums nécessitent de relâcher sa garde, à laquelle on tient parfois trop. Chacun de nous possède des albums qu’on se devrait de détester, par principe, par honneur, par bêtise, souvent. Par bêtise, il faudra entendre par un excès d’intellectualisation. Rien fait fuir : claviers datés, textes parfois limite bâclés. Mais il est accrocheur dès la première minute, et possède une durée de vie rare. L’univers textuel du marginal GRATUIT hésite entre ridicule (« Je Vais Me Suicider Les Oreilles ») et poésie (« Les Plaines Défilent »). C’est un point d’accroche évident de l’album. Souvent proche d’un nihilisme qu’on peut trouver facile, l’humour s’inscrit en filigrane (« Je Vais Me Suicider Les Oreilles »). Absurde, il est là pour interroger (« Le Mal, Le Bien », « Où Sont Ces Gens », "Séduire"), comme le nom du groupe d’ailleurs. Et c’est alors qu’on regrette d’avoir jugé les paroles bâclées.

Rajoutons aussi que GRATUIT reçoit de bonnes critiques de ses concerts, et que la perception de la version studio doit aussi dépendre de celle du live. A titre d’illustration, précisons que la biographie, sur le site de Kythibong, explique qu’Antoine Bellanger aurait tenté de vendre sa barbe pour 27 euros un soir de concert. Ce détail encore, favorisera l’adhésion dans ce projet.