Compiler Nick Drake relève aux premiers abords du summum de la bêtise humaine. Premièrement, on sera très vite heurté par une des nombreuses difficultés de l’exercice, comment extraire le meilleur de chacun des albums sans en embarquer la totalité ? (A ce moment, normalement, le lecteur connaissant bien l’artiste devrait esquisser un sourire compréhensif). Ensuite, il faut savoir justifier le choix des titres, pas évident non plus quand on sait que Drake n’a sorti que trois albums. Enfin, quoi de mieux que de se plonger dans l’essence même que véhicule chaque œuvre, imprégnée à la fois du contexte de sa sortie et sublimée par l’équilibre que le maître lui a imposé ?

Ici pourtant, nous n’aborderons pas l’aspect commercial de l’objet, ni son hypothétique objectif de servir de marche pied pour néophyte, je la joue fair-play.
Made to Love Magic est une compilation sans en être vraiment une, il sonne quasiment comme un vrai album et pour cause, seulement trois titres de Five Leaves Left sont repris (« River Man », « Three Hours » et « Thoughts of Mary Jane »). La version de « River Man » est en réalité une démo datant de 1968 et à intérêt limité, nous préférerons celle de FLL. « Thoughts of Mary Jane » est orné d’une guitare électrique suraigüe et dispensable, là encore le titre original est bien meilleur. C’est « Three Hours » qui sauve la mise, la flûte est un choix judicieux pour prolonger le spiritisme transpirant de cette brillante composition.

Mais le disque contient surtout du matériel enregistré lors des sessions des albums studios, écartés pour cause de support rustique, ils sont ici présentés dans des versions remasterisées. Et une fois encore c’est un sans faute.
Les qualités de Nick Drake sont bien là, son jeu unique, sa voix de velours, sa faculté à nous faire pleurer, à nous faire rire, jonglant sans arrêt avec les masques de comédie et de tragédie, « Smile now, cry later ».
Inutile de passer en revue chacun des morceaux, ils sont tous d’une beauté incroyable, mais je ne résiste pas à lister ceux qui m’on le plus touché : « Black Eyed Dog » et ses ponctuelles harmoniques, « Hanging on a Star » où à la ligne grave de guitare s’oppose le chant suraigüe de Drake, « Joey » qui se montre plus mystique, et le meilleur pour la fin : « Magic », une histoire qui a ses moments de joies, d’incertitude et de tristesse, une histoire saisissante d’émotions, de sincérité, de poésie, j’en pleure…

Made to Love Magic est aussi indispensable que les albums officiels, les morceaux inédits rassemblés ici valent largement le coup. Et de toute façon, aurions nous douté une seule seconde d’un artiste comme Nick Drake ?