En 1994, quand sort Aria, tout le monde a oublié jusqu’à l’existence même d’ASIA. Aqua (1992), premier album enregistré avec John Payne au chant, avait vraiment toutes les qualités pour faire entrer le groupe dans une nouvelle ère. Oui, mais voilà, le destin va s’acharner sur ASIA et le public ne suivra pas. Geoff Downes (claviers), seul survivant du line-up d’origine, mène plus ou moins le groupe comme un projet solo, en compagnie de son nouveau frontman John Payne (chant / basse) et de musiciens de sessions différents d’album en album. Du coup, la légitimité d’ASIA en perd quelque peu un coup et on comprend aisément que les ventes n’aient à l’époque pas suivi.

Le propos musical d’ASIA a quelque peu évolué en deux ans : alors qu’Aqua nous proposait un son assez tranchant, emprunt de touches hard FM, Aria effectue un retour radical vers l’AOR classieux et un pop rock FM plus conventionnel. N’allez surtout pas croire que je dénigre cela, bien au contraire ! Les titres sont bons et s’écoutent avec grand plaisir, chacun recelant de vraies réussites en termes d’arrangements et de composition. Par ailleurs le côté hard rock n’a pas totalement disparu non plus et on en décèle encore ça et là et des traces remarquables (notamment sur la très sympa "Remembrance Day", à l’arrangement orientalisant)

Certains titres sont toutefois un peu anecdotiques, tels que "Summer" (qui tourne un peu en rond malgré ses arrangements réussis) ou bien encore "Enough’s Enough" (sur laquelle Payne se compromet à chantonner "la la la" assez lourdement ...) Le côté épique, typique d’ASIA, est toujours présent sur de nombreuses chansons ("Anytime", "Are You Big Enough", "Sad Situation", "Don’t Cut The Wire"), mais ceci dit John Payne, à la voix remplie d’émotion, lui donne une toute autre saveur que celle des années 1980. L’aspect progressif effectue enfin un retour tant attendu sur certaines chansons.

Cependant, cet album ne comporte pas de véritable "tube" qui aurait pu l’aider à percer sur les radios, hormis peut être "Military Man", qui est de loin la chanson la plus réussie de l’album (même si son début fait furieusement penser à une redite du tube "Only Time Will Tell"). Le côté linéaire de certaines parties de chant de John Payne peut aussi parfois agacer, personnellement j’aime bien, mais je conçois qu’il ait quelquefois tendance à se répéter dans certaines de ses chansons. Son côté "chanteur pop US" a certes son charme, mais a également ses défauts…

Un mot sur le line-up de cet album, enfin : Al Pitrelli (guitare) et Michael Sturgis (batterie), déjà présents sur Aqua, sont de nouveau là et apportent un léger vernis de stabilité à ASIA. Aucun musicien de session additionnel n'est ici crédité, ce qui fait qu'on a en apparence l'impression d'avoir affaire à un "vrai" groupe entièrement nouveau. Mais le manque de considération des promoteurs pour ASIA ne va pas arranger ses affaires : la tournée de promotion d'Aria sera ainsi réduite à quatre dates. Durant cette "tournée", Al Pitrelli quitte le groupe et sera remplacé par le guitariste britannique Aziz Ibrahim (ex-SIMPLY RED) L'album, malgré la présence d'un chanteur américain, ne sortira même pas aux USA... Une longue période de traversée du désert va alors commencer pour le duo Downes/Payne.

Alors oui, Aria est beaucoup moins réussi dans son ensemble que ne l'était Aqua. Il n’en reste pas moins qu’Aria est un bon album d’ASIA, peut être pas le plus original ni celui qui restera longtemps dans les mémoires, mais un disque cool, sans prise de tête et très bien écrit. Un bon album de pop rock FM en définitive. À redécouvrir pour l'histoire…