Etonnamment, CHOSTAKOVITCH n’a pas vraiment composé de chef d’œuvre pour piano seul. Sa Sonate pour piano n°2 est la pièce qui se rapproche le plus de ses œuvres de référence, sans pour autant égaler des merveilles comme le Quintette avec piano, le Trio n°2 ou la Sonate pour alto et piano. Composée en 1942, elle fait la part belle à un langage pianistique épuré qui tranche avec le modernisme de la Première sonate.

Le premier mouvement est assez trompeur quant à l’identité de l’œuvre. A l’écoute de cet « Allegretto » conquérant, on serait tenté de réduire la Seconde Sonate à un entre deux symphonies, une sorte de copier-coller stylistique qui ferait office de chaînon manquant entre la Septième et la Huitième. Le côté linéaire des réponses d’une main à l’autre n’arrange rien : l’ouverture de la Première sonate est placée sous le signe du déjà-vu. Un déjà-vu agréable quand même ; CHOSTAKOVITCH n’a pas fait ses classes chez GLAZOUNOV pour rien !

Tout le sel de l’œuvre se trouve dans ses deux derniers mouvements, qui n’ont pourtant rien d’exubérants. Le « Largo », en position centrale, fait partie des meilleurs réalisations de CHOSTAKOVITCH dans le genre. L’introspection règne en maître, grâce au dénuement et à la délicatesse du piano. Dans ce registre, la pianiste russe Elisabeth LEONSKAÏA excelle ; elle joue avec la lenteur du morceau sans faire dans le larmoyant, et avec un supplément d’âme qui désigne toujours les grandes interprétations.

Le « Moderato » est le plus varié des trois mouvements. C’est en fait un thème avec variations comme les modernes russes savaient si bien en composer. Pour rester chez CHOSTAKOVITCH, on pense évidemment au « Thème avec variations » du Quatuor à cordes n°2. On passe par tous les degrés du jeu pianistique, jusqu’à la conclusion, impériale. Le flot de notes se tarit un instant, et tout converge vers une fin en forme de points de suspension. Et au dernier moment, alors que le decrescendo s’achève dans un murmure, hop ! reprise éclatante du thème, qui trouve sa forme évidente à quelques mesures de la fin.

La Sonate pour piano n°2 est devenue, avec l’avènement du disque, une œuvre de remplissage. Le genre de morceaux que l’on retrouve toujours en fin d’album, histoire d’atteindre les sacro-saintes 75 minutes. Ici par exemple, on l’a greffée sur un enregistrement des deux Concertos pour piano. Elle mérite certainement mieux, une petite place au panthéon des grandes sonates, par exemple.


Fiche « Sonate pour piano n°2 » :
Opus : 61
Date de composition : 1942
Date de création : 1943 à Moscou
Date d’enregistrement : 1992 par Elisabeth Leonskaïa
Références du disque : Shostakovich – Piano Concertos No. 1 & 2, Sonata No. 2, Teldec Classics, 1993 (réédition Warner Classics, 2001).