Vous ne connaissez pas le shinty ? Considéré comme l'ancêtre du hockey sur gazon, ce sport typiquement écossais (pratiqué quasi-exclusivement dans les Highlands), a ses propres règles, son championnat, ainsi que ses stars, parmi lesquels Gary Innes. Jeune prodige du shinty, le bonhomme est également un virtuose de l'accordéon, art qu'il pratique en professionnel depuis le début des années 2000 et qui lui a permis de sortir plusieurs albums sous son propre nom ainsi que d'être invité à participer au concert « Beat the drum » de Runrig en 2007. Les liens entre les rois du folk-rock écossais et l'accordéoniste sont ténus, puisque c'est bien ce-dernier que l'on voit, en pleine action sur le terrain de shinty, sur la pochette du dernier album en date de Runrig, Everything You See.

Cette collaboration a sans doute donné des idées à Gary Innes, qui nous revient en cette année 2011 avec un nouveau groupe, et un objectif défini : être le premier groupe depuis Runrig a placer un single chanté en gaélique dans les charts écossais. Malgré des qualités évidentes et un certain retour des Ecossais à un protectionnisme identitaire, « Latha Math » ne fera qu'un discret passage dans les charts, sans rencontrer le succès escompté. Reste que ce morceau, tout comme l'ensemble de ce premier album de MANRAN, le talent du groupe et sa capacité à proposer un folk-rock celtique de fort belle facture.

Immédiatement, la musique du sextet rappelle celle de Runrig ou des Anglais de Coast. Sur une base acoustique, le groupe greffe une section rythmique ainsi qu'un accordéon, un violon, une cornemuse et une flûte traversière qui apportent à l'ensemble l'impact et la légèreté nécessaires pour que la sauce prenne. Les interventions de chacun de ces instruments dits traditionnels sont savamment calibrées, et aucun ne prend le pas sur l'autre ou se taille la part du lion sur ces 12 morceaux. Compositions originales ou reprises de traditionnels écossais, les morceaux disposent de ce feeling rappelant les années 70 et les premiers Runrig. Le mélange entre textes en langue gaélique et en langue anglaise participe également au côté délicieusement nostalgique du groupe, qui met tout en œuvre pour se faire apprécier : instrumentaux mélancoliques ou dansants (« Reels », « Speybay switch »), titres folk rock imparables, parmi lesquels « Latha math » et surtout le délectable « Oran na cloiche » (probablement le meilleur morceau de l'album), et ballades tendres sur lesquelles le talent des six musiciens se combine pour provoquer l'émotion (« The open door », l'instrumental « Chasing daylight »).

Mine de rien, MANRAN propose un premier album en béton armé, qui séduira sans une once de doute les amateurs d'un folk rock celtique de qualité. Sans réellement se démarquer de ses éventuels concurrents, le groupe de Gary Innes livre sans se forcer et l'air de rien quelques morceaux imparables et s'inscrivant parfaitement dans la lignée de groupes comme Runrig. Vite, la suite !

3,5/5