De la contemplation du néant naît l'analyse et l'amélioration de soi. L'écoute de ce nouvel album, le deuxième opus studio, du groupe allemand The BROGUES, nous fait prendre conscience qu'en ce bas monde, le néant est plus que jamais présent tout autour de nous. Le nom du groupe devrait vous mettre sur la voie. T-H-E B-R-O-G-U-E-S. Un groupe en « The », un nom de dialecte anglais (brogue désigne un fort accent), des origines teutonnes... C'est en effet de rock celtique que nous allons traiter. Ce groupe, fidèles lecteurs, a été traité de long en large sur Forces Parallèles. Entre l'honorable et boulimique Marco Stivell, séduit par les pères fondateurs du genre, et votre serviteur, plus porté sur les scènes actuelles, le genre a eu les honneurs de chroniques nombreuses et fouillées. Pour autant, c'est non sans une certaine gêne que cette nouvelle pierre vient s'ajouter à l'édifice. Car The BROGUES est un groupe intéressant, voire convaincant. Mais diable, comment se permettre de proposer un album à la vente avec un chanteur pareil ?

Si le plaisir ne vaut que s'il est partagé, alors The BROGUES est un groupe de sacrés égoïstes. Pourtant, musicalement, le rock celtique proposé par le quintet tient la route. Des guitares acérées et mordantes, des riffs sautillants et agressifs (parfois à limite du punk), la formule adoptée a tout pour convaincre. Au menu des instruments traditionnels, violon et mandoline se taillent la part du lion et agrémentent les morceaux de leurs interventions fort à propos. On pense parfois à Fiddler's Green (pour le côté festif) ou à Mumford & Sons (pour le côté traditionnel), sans jamais néanmoins égaler le talent des deux groupe précités. Mais le point faible de The BROGUES reste ce chanteur, Paul Kühn, à peu près aussi compétent qu'une saucisse de Francfort dans un concours de karaoké. Voix souvent fausse, sans aucune subtilité, le chanteur plombe à lui seul des compositions pourtant fort honorables. Ce constat se fait limpide lorsque l'on écoute « Northwind » ou « Greenland », les deux titres instrumentaux de l'album et les seuls morceaux à se dégager réellement du marasme ambiant causé principalement par un vocaliste aux fraises.

Les morceaux traditionnels interprétés (« Finnigans », « Cliffs of Doneen », « Erin's green shore »), qu'ils soient acoustiques ou électriques, passent à la moulinette de ce chant au papier de verre, tandis que les compositions originales, pourtant musicalement intéressantes (la dansante « Drink the night away », la chaloupée « Bungle eye ») se voient ruinées par des vocalises imbitables. Le constat est d'autant plus accablant lorsque l'on se prend à reécouter le précédent album du combo, Irish Sheep Hunting, sur lequel figurait un chanteur parfaitement en adéquation avec le rock celtique du combo.

Erreur de casting ? Toujours est-il que, la faute à cette voix à des années-lumières de standards de qualité que l'on est en droit d'attendre d'un groupe de cette trempe, The BROGUES ruine malheureusement un album pourtant fort convaincant au niveau musical. Un opus à éviter, au contraire du précédent, qui reste pour sa part une des plus belles surprises de l'année 2009. Aux oubliettes, et vite !