Il y a des disques comme ça qui prennent d’emblée à la gorge et vous happent dès les premières notes de la première chanson. C’est le cas de Foule Monstre. Avec son beat electro-rock inexorable, son mur sonore dense, lourd, et son ambiance glaciale et fiévreuse, « Place de mon Cœur » est une entrée en matière d’une formidable efficacité. Elle installe immédiatement une ambiance lyrique et épique portée par le chant captivant de Romain Humeau. Et dans la foulée, « Le Même Train », avec son refrain aux accents désabusés, produit le même effet. Surprenante, l’évolution musicale d’EIFFEL apparaît donc avant tout comme un pari réussi : l’utilisation des machines, mise au service des compositions, est parfaitement maîtrisée.

Hélas, une légère incertitude survient très vite. N’y a-t-il pas ici un peu de gras ? Beaucoup de chansons dépassent les cinq minutes, ce qui laisse envisager deux choses : des fresques variées, pleines de rebondissements et de montées en puissance, ou des longueurs inutiles. Et « Chaos of Myself » vient ainsi doucher l’enthousiasme initial en s’éternisant jusqu’à devenir monotone. Du coup, on zappe, on fait autre chose en laissant la musique en arrière-plan… Et l’on redoute qu’en concert ce soit le prétexte à d’interminables intermèdes instrumentaux qui donneront surtout envie d’aller se boire une bière à la buvette. On ne le répétera jamais assez : plus c’est court, plus c’est bon. Ce sont les RAMONES qui avaient raison.

Ce disque démarre en fanfare mais inquiète donc un peu aussi. Qu’on se rassure, il contient des compositions solides et mélodiques qui sont parmi les meilleures du groupe. « Foule Monstre », dans un registre plus posé, est un régal : le chant ensorcelant (« des milliers… ») est parfaitement mis en valeur par des arrangements très riches. De même, « Libre » (où le phrasé de Romain Humeau rappelle un peu celui de… THIEFAINE) et « Chamade » sont de superbes chansons, puissantes, poignantes, parfois mélancoliques. On prend plaisir à déchiffrer des paroles sombres et poétiques (certes un peu cryptiques) où la peur de la mort semble récurrente. Et il faut admettre que la longue « Chanson trouée » est plutôt convaincante.

Reste que tout n’est pas forcément de qualité homogène : « Frères ennemis » (pourtant courte) se veut intense mais demeure cruellement dépourvue d’accroche mélodique, tandis que « Lust for Power », sur laquelle s’invite Bertrand Cantat, est un peu lassante. A vrai dire, c’est toute la fin de Foule Monstre qui semble un peu en retrait. La faute, sans doute, à la persistance d’un son lourd qui, sur des compositions plus faibles, donne une impression fastidieuse et impose une certaine endurance. Ainsi, « Death’s Dance » est un indéniable morceau de bravoure mais, en fin de disque, il est pour le moins difficile à digérer. Ces quelques nuances ne doivent toutefois pas tromper : EIFFEL accomplit globalement un joli coup d’éclat, frappe fort, et fait preuve avec ce cinquième album d’une bien belle inspiration.