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Henri DUTILLEUX - Symphonie N° 2 « Le Double » (1959)
Par ONCLE VIANDE le 29 Mai 2013          Consultée 4208 fois

Casser sa pipe n’est assurément pas le bon moyen pour faire le buzz quand on est compositeur classique. Le faire en pleine période d’intoxication cannoise n’arrange rien. Si par malchance une figure de la chanson française tire sa révérence la même semaine, il ne vous reste plus que les nocturnes de France Musique. Henri DUTILLEUX était pourtant le compositeur vivant le plus joué dans le monde, le meilleur ambassadeur de la musique contemporaine gauloise, argument de poids en ces temps de Made in France. Dispensés de pédagogie musicale, les JT pouvaient alors couvrir l’événement sous l’angle de la compétitivité et du rayonnement culturel français, avec Montebourg en duplex depuis la salle Pleyel. Quel tableau.

Trêve d’aigreurs. C’est le dernier grand maître de la musique française qui s’est éteint, ou plutôt, d’une certaine musique française, celle de Debussy, Ravel et Fauré. Henri DUTILLEUX était un compositeur atypique, solitaire et indépendant. Un ermite de la partition à l’écart des chapelles et des avant-gardes. Mieux, son œuvre met à mal bon nombre de clichés sur la musique contemporaine que l’on aime à décrire inaccessible, formelle, tournant le dos à cinq siècles de tradition tonale et étrangère au désir d’émouvoir.

On trouvera facilement des compositeurs pour réfuter chacune de ces affirmations. DUTILLEUX seul, les réfutait toutes. On apprécie sa musique comme celle des grands noms précités, sans bagages ni passeport. Farouchement accessible, étrangement familière, ô combien envoûtante mais résolument moderne. Ce même sentiment mêlé que produisent les toiles de Redon ou Chagall.

Des compositeurs d’après guerre, il est sans doute celui qui aura su le mieux marier tradition et modernité, phrase toute faite je vous l’accorde, mais sur laquelle je veux bien m’étendre. DUTILLEUX perpétuait la tradition parce qu’il restait fidèle à la notion d’harmonie, au principe de tension / détente, et qu’il mettait la théorie au service de l’expression. L’œuvre n’était ni un manifeste ni un terrain d’expérimentation. Elle répondait à un besoin intérieur, une quête mystique qui se cristallisait autour d’images poétiques et oniriques. En revanche, les problèmes compositionnels qu’il se posait et les solutions qu’il apportait étaient de son temps. C’est en termes de transformations, de combinaisons et de paramètres qu’il pensait sa musique. Ainsi les systèmes les plus avancés, tel le système sériel, faisaient partie de son arsenal.

Debussy, Ravel, Fauré… comme eux, DUTILLEUX était un maître de l’harmonie, cette notion périmée au XXème siècle mais pour laquelle il avait conservé un intérêt intact au point de lui consacrer des conférences. Une harmonie élargie par l’atonalité, non pas l’atonalité destructrice de Schoenberg, mais une atonalité parcimonieuse qui colore les perceptions et enrichit la gamme des sentiments. En cela, il était un compositeur impressionniste.

La « Symphonie N° 2 » est un choix sentimental. Pas la plus accomplie de ses œuvres mais représentative de son univers. L’orchestre et un groupe de chambre fonctionnent comme deux miroirs placés face à face. Les thèmes se répondent, se confondent ou se déforment. Un jeu de projection / réflexion remarquable mais sans réel impact sur l’auditeur. Non, le pouvoir de cette symphonie est ailleurs, dans cet accord obsédant qui réapparaît tout au long des trois mouvements comme une vision pénétrante. DUTILLEUX affectionnait cette stratégie : déraciner l’auditeur de ses moments de recueillements pour mieux l’y ramener, à chaque fois par un chemin nouveau, comme pour le porter à un niveau d’écoute toujours plus profond. Une longue décantation s’opère alors jusqu’à atteindre la plénitude. Si ce canevas fonctionne, c’est parce que le français est un architecte du temps : structures implacables, glissements imperceptibles, sens aigu de la diversion, du suspend et du climax.

Œuvre exemplaire aussi pour la luxuriance de son orchestration. DUTILLEUX soignait tellement cet aspect de son travail qu’il tardait souvent à rendre sa copie. Vents, cordes et percussions sont complétés par le clavecin et sa couleur si particulière, presque céleste. Est-ce cette abondance qui incita DUTILLEUX à un tel déchaînement ? Toujours est-il qu'il s'agit de son œuvre la plus animée. Saillies, bourrasques, explosions même, ressuscitent par endroits le souffle dionysiaque de Berlioz, et quitte à blesser notre narcissisme cocardier, c’est aussi l’ombre de Stravinsky qui plane ici, celui du Sacre (un peu) et des Symphonies d’Instruments à Vent (beaucoup).

Mystère, éclat et intériorité. Trois mots simples qui décrivent cette symphonie et l’univers d’Henri DUTILLEUX. Avec lui, la musique contemporaine faisait frissonner. Son œuvre patiente et économe ne souffre ni la légèreté ni le superflu. Ses deux premières Symphonies (1951 et 1959) ainsi que « Métaboles » (1964) constituent des entrées idéales avant de goûter à ses œuvres les plus abouties, « Tout un Monde Lointain » (1970) et « L’arbre des Songes » (1985).

Une fois n’est pas coutume, les britanniques font un travail remarquable quand il s’agit d’honorer nos compositeurs français. L’intégral de son œuvre orchestrale enregistré par le BBC Philharmonic reste une référence, tant au niveau de la direction que de l’enregistrement. Intégral dont est issu le présent disque.

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- Le Bbc Philharmonic De Londres
- Yan Pascal Tortelier (direction)


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2. Andantino Sostuneto
3. Allegro Fuosca-calmato



             



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