S'intéresser aux carrières solo des membres d'un groupe mythique n'est pas toujours payant, le genre foisonne même de disques superflus. Le rock progressif n'échappe pas à la règle, il faut être particulièrement fan des groupes pour passer son temps à en éplucher les à-côtés. Il convient d'être assez sélectif en la matière, notamment en ce qui concerne YES. La carrière du chanteur Jon Anderson, par exemple, n'est pas très glorieuse dans l'ensemble. Ses albums pop prog des années 80 sont assez insipides. Cependant, on ne peut pas passer à côté de sa première publication solo, datant de 1976, cette œuvre très particulière portant le titre étrange Olias of Sunhillow.

Rappelons que YES s'est mis en pause entre 1974 et 1977, période durant laquelle les membres du groupe de Relayer (ainsi que Rick Wakeman) ont sorti des disques en solo. Celui d'Anderson est un des plus intéressants. Il s'agit d'un album concept très conceptuel et très progressif. On reconnaît bien sûr Anderson à sa voix, mais sa patte musicale est également fort personnelle. Ainsi, Olias of Sunhillow ne ressemble pas vraiment à du YES, mais on reconnaît nombre d'éléments d'harmonie et d'orchestration tellement importants pour le groupe.

Comment décrire ce qu'on trouve ici ? Cette musique semble presque naturelle et pourtant on ne la trouve nulle part ailleurs. On peut évoquer "We have heaven", on peut faire un parallèle avec le travail de VANGELIS – ce n'est évidemment pas un hasard si ces deux-là ont collaboré par la suite, leurs conceptions sont très proches. Pourtant, ce mélange de sons de synthétiseur, de guitare acoustique, de harpe et autres instruments à cordes, le tout avec un petit côté world, est vraiment unique. Un son spécial mis au service d'un concept donc... une histoire d'arche de l'espace, un grand vaisseau appelé "Moorglade" conçu par cet Olias, permettant à la population de la planète Sunhillow de quitter leur monde en proie à une catastrophe volcanique. En fait, bien que datant de 76, cette histoire SF/Fantasy fait déjà furieusement penser à du new age, ce que la musique ne dément pas.

Une idée intéressante, quoi qu'il en soit, une œuvre très immersive et cohérente, surtout au vu des dessins de la pochette, inspirés de Roger Dean mais réalisés par un certain Dave Roe. Elle n'est pourtant pas parfaite pour autant. Évidemment, quand on n'aime pas trop la voix d'Anderson, il est un peu difficile de juger son interprétation. Il est pareil à lui-même, ni meilleur ni pire que chez YES. Les passages instrumentaux, bien qu'homogènes, vont du sublime à l'insipide. Oui, il y a quand même un peu de remplissage entre des moments forts assez évidents. Ainsi, "Olias (to build the Moorglade)", seconde partie de la plage 3, "Naon", deuxième partie de la plage 4, "Moon Ra", début de la plage 7, et "To the Runner" sont fort réussies. Le long reste de la septième plage est par contre assez superflu, tout comme "Sound Out the Galleon", mais tout ceci est un ressenti assez personnel. Signalons encore que "Solid Space" bénéficie souvent de bonnes critiques, avec son ambiance un peu inquiétante.

La note sera peut-être jugée un peu sévère. Simplement, vu que Olias of Sunhillow est avant tout basé sur le travail du son, et pas sur l'écriture ou la virtuosité, il est malheureusement normal de constater qu'il n'a pas très bien vieilli. Il est tout de même certain que nombre d'amateurs de musique progressive trouveront ici un grand bonheur et le considéreront peut-être comme un authentique chef-d’œuvre, une opinion qui se respecte.

Note : 3,5/5