Si, un jour, vous êtes amené à collaborer avec Lenny Wolf, tête pensante de KINGDOM COME, respectez cette règle d'or : ne pas s'attacher ! En effet, trois ans après un Master Seven qui mêlait le très bon et le dispensable, l'artiste renouvelle de nouveau son équipe (à l'exception du bassiste Mark Smith et du guitariste Oliver Kiessner, véritables rescapés !) et s'en part enregistrer Too, dernier album à ce jour considéré comme un véritable effort de groupe (le bonhomme se chargeant ensuite de l'intégralité des instruments). Entre temps, Lenny a enregistré un album solo en langue allemande passé totalement inaperçu, et semble avoir perdu toute envie, toute velléité créatrice, ce qui fait de Too un album plan-plan, pas vraiment inintéressant, mais loin d'être transcendant.

L'idée de retourner aux racines blues-rock de KINGDOM COME était pourtant plutôt bonne. En effet, sur ce huitième album, Lenny Wolf semble désireux de revenir à des sonorités proches des deux premiers albums du groupe. Si le pari fonctionne sur le titre d'ouverture, le mid-tempo "Ain't So Bad" au riff inspiré et plombé, l'auditeur finit bien vite par déchanter en se rendant compte que l'artiste a basé la quasi-intégralité des morceaux sur ce même schéma : les tempos ne décollent guère, les morceaux s'allongent, et l'on se surprend à souffrir d'ennui dès le quatrième ou cinquième titre. C'est d'autant plus dommage que KINGDOM COME s'avère pourtant capable de se faire très convaincant, comme sur "Free Your Mind" et son refrain prenant qui permet à Lenny Wolf d'user de la voix. Le morceau-phare de l'album reste néanmoins la ballade "Mighty Old Man" : torturée, portée par une mélodie bouleversante, ce morceau inaugure la série des "one-shot" salvateurs, ces morceaux présents sur chacun des albums de KINGDOM COME et qui confirment le grand talent de Lenny Wolf.

Dommage ainsi que l'artiste ne propose pas plus de "Mighty Old Man" sur cet album. Certes, il s'agit ici peut-être du dernier album purement hard rock de KINGDOM COME, mais l'ensemble est prévisible, ennuyeux, répétitif. Les réenregistrements de 3 titres issus du répertoire de Stone Fury, le premier groupe de Lenny, n'y changent rien. Au contraire, "Too late", qui s'étale sur plus de 6 minutes dont on ne parvient pas à voir le bout, ou encore "Should have told you" et ses nouveaux arrangements peu convaincants, prémices du rock industriel à venir, ne permettent en aucun cas de redorer le blason de ce premier projet à l'époque soutenu par la critique.

Too est un album rock, c'est certain. Les guitares ont droit de cité, et le chant de Lenny se fait à la fois puissant et fort à propos. Dommage qu'il faille d'ailleurs attendre le dernier titre "Joe English" pour véritablement s'en rendre compte. On ressort néanmoins de l'écoute avec une impression de gâchis, renforcée par un sentiment de lassitude et de redite assez rédhibitoire. Certainement pas le meilleur opus de KINGDOM COME, au tournant d'un siècle nouveau porteur de nombreuses expérimentations plus ou moins heureuses.