Après avoir fondé une école de guitare et collaboré avec David Sylvian sur Gone to Earth, Robert FRIPP allait-il continuer à être actif en 1986 ? La réponse est on ne peut plus affirmative, notamment sur le plan personnel. En effet, c'est cette année-là que l'un des guitaristes les plus inventifs du rock... se marie ! Comme tant d'hommes, FRIPP a un coeur et une raison orientés vers une âme sœur, à savoir la chanteuse Toyah Wilcox. Cette dernière est connue à l'époque pour la carrière qu'elle a mené avec son groupe, modestement nommé Toyah, qui jouait une pop plutôt rapide et spéciale, pas vraiment le même genre que l'art-rock/prog/New-wave de FRIPP. Mais qu'importe, à partir du moment où ils se sont trouvés, tant mieux pour eux et puis c'est tout.

Tout en cimentant leur union (ainsi que les trompes de Fallope de Toyah [1]), FRIPP et sa femme se mettent à travailler ensemble sur un album musical. Nommé The Lady or the Tiger?, il sort en 1986, achevant de faire de cette année un moment très actif de la carrière de Captain Bob. Le croisement entre les univers des deux artistes risque fort de donner quelque chose de vraiment détonnant, au moins.

C'est ce qu'on aimerait avoir, quitte à devoir dénoncer un mauvais album, mais non, même pas. FRIPP et Toyah sortent le grand jeu et proposent deux longues, très longues plages qui relèvent en vérité du spoken word. En effet, pendant trois quarts d'heure, on entend Toyah lire à haute voix, et non pas chanter, des textes de l'auteur américain Franck Stockton, dont le fameux The Lady or the Tiger?. Cette nouvelle présente une histoire au synopsis intéressant (un homme devant choisir entre épouser une femme et être tué par un tigre parce qu'il a dragué la fille d'un roi), et n'a sans doute pas démérité sa célébrité relative [2]. Mais tout de même, passer une demi-heure à écouter une personne lire un texte n'est pas l'activité intellectuelle la plus excitante ou constructive, surtout si cette dernière est une narratrice médiocre. De plus, les Frippertronics joués ici sont loin d'être les meilleurs de Robert FRIPP, pour sûr. Le deuxième morceau, "The Discourager of Hesitancy", présente deux points plus positifs par rapport à The Lady or the Tiger? : non seulement il est plus court, mais en plus les ouailles de Guitar Craft débarquent avec leurs guitares acoustiques. Une certaine variété musicale apparaît dès lors dans la musique, qui sert principalement de fond sonore pour ne pas bâiller (c'est raté). Toyah, en ce qui la concerne, débite toujours son texte, presque de manière mécanique et ennuyeuse.

Doit-on juger la performance lectorielle de Toyah, ou alors le choix des textes sélectionnés pour la lecture ? Difficile à dire tant l'album est spécial. Mais en fin de compte, The Lady or the Tiger? n'est pas un album de musique, et en tant que tel, il ne doit pas être jugé ainsi, sous peine d'être hors sujet.

[1] : Toyah s'est en effet faite stériliser, car ne ressentant pas le besoin ou l'envie de faire des enfants.
[2] : pour ceux qui voudraient la lire, c'est ici : http://www.eastoftheweb.com/short-stories/UBooks/LadyTige.shtml