Moteur ! est souvent pointé du doigt comme l'un des plus mauvais albums d'ANGE, sinon le pire. Pourtant, il ne fait que poursuivre le travail commencé dès 1979. La musique lorgne de plus en plus vers le rock FM et Christian Décamps jongle entre surréalisme et des paroles qui se veulent directes.

Comme l'indique le titre, la trame principale et récurrente de ce huitième disque nous transporte des studios de musique à ceux du cinéma, les musiciens enfilent (de façon figurative) des costumes d'acteurs du grand écran. Christian Décamps articule ses mots autour des polars, des films érotiques, des westerns de John Wayne et Sergio Leone. On remarque une écriture de plus en plus canalisée, loin de la verve des années 70, plus rythmique et hachée aussi car elle s'accorde avec la musique.

Depuis un ou deux ans, la tornade TRUST s'est abattue sur un rock français en pleine expansion, avec l'album Répression et le tube "Antisocial". Christian Décamps est trop théâtral et imprégné de Jacques BREL pour vociférer d'une manière aussi sauvage que Bonvoisin, Capdevielle ou Bashung, mais les guitares de Robert Defer et Didier Viseux ne se privent pas, elles.

C'est d'ailleurs ce dernier qui, aidé par Francis Décamps (compositeur principal de l'ensemble), fournit une énergie brute de boogie-rock punk et hard à des titres comme "Détective Privé" et "Mourir/Souffrir". Les refrains on-ne-peut-plus basiques de Christian rehaussés de choeurs et les synthés digitaux de Francis achèvent de déconcerter les puristes !

Les textes ne sont pas franchement brillants, pas plus que la musique. Le mélange des deux fait néanmoins la réussite de cet album, certainement pas aussi catastrophique que ce qu'on peut entendre dire. "Chatte, Chatte" et "Rien N'est Trop Beau Pour Toi" ravivent un peu les allusions coquines habituelles de l'auteur Décamps, qui se fait plus subtil et touchant sur "Saga" lorsqu'il rend hommage à John LENNON récemment décédé, avec une affection toute personnelle.

En opposition avec une ambiance parisienne et réaliste, son goût pour l'univers décalé ressort à travers "Touchez Pas à Mon Ciné !", qui baigne joliment dans un univers blues de bar adapté aux images choisies ("Jules César au saxo, Gabin au violon, j'écrase un mégot, constat au bourbon..."). La rythmique Viseux-Guichard excelle sur "Un Autre Jazz", un des meilleurs morceaux de l'opus dans un ton blues-rock inattendu pour un groupe qui s'est décidément bien remis en question.

En proue de ce mouvement, Francis Décamps donne le sentiment d'avoir revu complètement les sons de ses claviers ainsi que sa manière d'en jouer depuis deux ans, ce qui confirme le talent du musicien malgré des préférences très cheap par moments. Cependant, on retrouve sur "Assis !" le ANGE planant et torturé qui faisait encore les beaux jours du milieu des années 70, les Mandrin et cie. Urbain et ancré dans une nouvelle époque, moins enchanteur et champêtre, mais toujours bon !

Ne vous arrêtez pas à la pochette kitsch (la seule où l'on voit les visages des musiciens, sur l'ensemble de leur carrière) ni des photos de style "nouveau groupe rock à la sortie des concerts", un des principes typiquement vendeurs de l'époque. Moteur ! n'égale certes pas l'excellence des premiers albums, ni même la qualité de Vu D'un Chien qui se démarquait déjà franchement. Il comporte des titres médiocres ("Moi, Pas Idiot !") mais aussi de bonnes idées quand même et fonctionne bien dans un genre accessible, parfois complexifié mais avec modération.