Comme bien des styles musicaux contemporains, la new wave a connu une période de plénitude d'environ sept ans, entre 1978 et 1985. Il faut cependant remarquer qu'elle a connu deux temps, deux « vagues ». La première a été constituée de groupes formés entre 1974 et 1977, avec un son ambigu entre électronique et guitares brouillonnes, qui a pu déboucher autant sur la synthpop que sur le post-punk. Un style expérimental dont le fil conducteur est la modernité. À partir des premiers grands succès du genre, du côté de 79 avec des projets comme The POLICE et Gary NUMAN, des musiciens plus jeunes se sont lancés à leur tour, la plupart avec une idée plus commerciale et consensuelle derrière la tête, d'autres avec au contraire un rejet de ce genre de compromis qui a vite débouché sur le rock alternatif. La première catégorie est celle dont il sera ici question, elle compte des groupes aussi célèbres que DEPECHE MODE et DURAN DURAN, mais aussi The FIXX.

Le chanteur Cy Curnin et le batteur Adam Woods ont tout d'abord initié un projet nommé Portraits en 1979, puis ont recruté des partenaires par petite annonce. Ils ont rapidement été rejoints par le claviériste Rupert Greenall et plus tard par le guitariste Jamie West-Oram, quatre musiciens qui semblent s'entendre à merveille et forment la base du groupe depuis qu'ils se sont renommés The FIX en 80. Le bassiste d'origine, Charlie Barrett, ne restera quant à lui pas bien longtemps, mais assez pour participer au premier album, Shuttered Room. Après un premier single, « Lost Planes », publié sous ce nom, leur label a réclamé un changement car ce « Fix » rappellerait l'utilisation de drogue. L'arrangement qui a été trouvé a simplement consisté à ajouter un x, ce qui renforce le côté geek et donc new wave. Ce n'était pas vraiment indispensable, mais c'est ainsi. Ils sont donc connus depuis lors comme The FIXX.

Leur appartenance à cette seconde partie de la new wave ne fait absolument aucun doute. Ils font bien preuve d'un peu de fantaisie sur leur premier album, mais c'était d'emblée parti pour être basé sur des ambiances faciles et des mélodies accrocheuses. Ce n'est pas forcément un mal, et leurs deux premiers albums restent fort recommandables, même plus de trente ans plus tard. Ils sont même bien moins kitsch que la moyenne de la synthpop et des néo-romantiques. En fait, il faut certainement les rapprocher de The POLICE. Non seulement Cy Curnin a un timbre semblable à celui de Sting, mais la façon d'utiliser la guitare de façon propre mais héroïque, ainsi que certains rythmes, par exemple reggae sur un titre comme « The Fool », les rapproche clairement de ce que faisait le célèbre trio sur Zenyatta Mondatta ou Ghost and the Machine. The FIXX est cependant plus new wave, moins fluide et sarcastique et plus romantique.

L'autre analogie, évidente sur « Some People », doit être faite avec TALKING HEADS. La ressemblance avec la polyrythmie foisonnante de « I Zimbra » et Remain in Light y est indéniable. Cette influence les a certainement également poussés à accentuer le côté funky sur Reach The Beach. Si les guitares sont souvent agréablement groovy sur Shuttered Room, le style y est plus diversifié et plus riche que par la suite, ce qui rend ce disque très intéressant. Enfin bon, c'est un premier album, tout simplement, avec les qualités et défauts que cela implique. Il est toujours risqué de se lancer, et on a vu des démarrages calamiteux, mais il y a souvent beaucoup de fraîcheur, d'expérimentation, on pourrait même dire d'innocence, ne fut-ce que parce qu'un éventuel succès n'a pas encore eu lieu.

Shuttered Room est clairement dans le bon tas des premiers albums, car il y a très peu d'hésitations à condamner. Si certains styles explorés ne sont peut-être pas des choix très heureux, comme sur la trop délirante « Sinking Island » par exemple, au moins l'écriture et l'interprétation sont partout excellentes. Sur cette dernière comme sur de plus réussies comme leurs premiers singles à succès « Stand or Fall » et « Red Skies », on peut également ressentir une influence du krautrock et de la musique électronique allemande, sans doute directe, ou alors via l'inévitable ULTRAVOX. On pensera en particulier à TANGERINE DREAM en ce qui concerne les synthétiseurs. Ces deux chansons ont démarré leur bonne série aux USA, et allait complètement déterminer leur avenir.

Notons que l'album est sorti plus tard et dans une version différente là-bas, sans la médiocre « Sinking Island » et malheureusement sans « Time in a glass », qui présente pourtant de très beaux passages rock à rapprocher de ce que faisait RUSH à l'époque. A la place on trouve « I found you » et « The Strain », pas mauvaises mais peut-être réalisées à la va-vite. La version CD de 96 regroupe quant à elle les douze titres. L'agencement des plages est également différent sur ces trois versions, ce qui met en lumière le plus gros problème de l'album : il n'est guère construit.

À part cela, il n'y a guère de réserves à émettre. La production n'est pas géniale, plus brouillonne que sur Reach the Beach, mais cela n'a pas que des désavantages, comme nous l'expliquons dans la chronique de celui-ci. Quoi qu'il en soit, les mélodies sont bonnes, pas trop racoleuses, l'ensemble est léger et sympathique, avec une expérimentation modérée mais restant dans la limite acceptable pour le grand public. Le tout est sensiblement pop et très agréable, un très bel exemple de l'état de la new wave en 82, ce qui rend d'autant plus triste sa faible disponibilité actuelle...