AN TRISKELL, comme beaucoup de groupes bretons, doit faire face aux difficiles années 80. Alors il se réinvente, se renouvelle, tout en choisissant de garder un son pop-rock, comme sur son opus précédent (Troñ Doue, 1979).

C'était..., le septième album du groupe, est enregistré en exil aux Pays-Bas, et publié par un label local nommé Munich Records. La mise en avant en France est peu évidente, comme l'approche musicale proposée par la formation.

Celle-ci, en dehors des frères Quefféléant, garde en son sein le batteur Jean-Charles Huitorel. Les nouveaux musiciens sont un claviériste, Eric Dureau et un sonneur, Jean "Mac Ewan" Lhuillery. En complément, Jean-Pierre Le Dréau vient ajouter quelques parties de guitare et de basse. Il joue aussi de la trompette sur quelques morceaux dont le premier, "Mem Bro".

Si les influences progressives de l'album Troñ Doue pouvaient surprendre, les nouvelles proposées ici le font autrement. On entend une chanson (AN TRISKELL commence toujours par un instrumental d'ordinaire) pop d'orientation funk et jazz. Un texte poétique qui parle de la Bretagne et une musique qui se veut efficace. Elle paraît au moins sympathique, avec un fond de danse bretonne (l'an dro) et le doublage de la trompette par la bombarde...

Nous sommes en présence d'un disque varié où en dehors des frères Quefféléant, les musiciens apportent leurs propres idées en termes de composition, d'arrangements... En dehors de la pop jazzy de "Mem Bro" et "Lundi Matin", déclinée dans un style latino/bossa nova pour "L'amour Est Mort...", il y a des morceaux de harpe, parfois accompagnée de flûtes ou de cornemuses, ainsi que des choses étonnantes, à commencer par le travail de Jean-Charles Huitorel, le batteur.

On ne peut pas dire que son instrument premier ne lui offre pas de possibilités mélodiques, quand on sait qu'il est également pianiste. Toutefois, "Le Colibri à Marie-Pierre" est un exemple unique dans la carrière d'AN TRISKELL, mélange de musique pour percussions et d'ambiance, avec chants d'oiseaux et bruitages champêtres. Il nous propose au piano une valse "Dourcam", aux harmonies contemporaines intéressantes, contrairement au délire reggae final qui n'était pas indispensable.

De toute évidence, il y a un esprit bon enfant dans cette réalisation. La légèreté de « Lundi Matin », ou le slow jazzy "Satori" voient Pol Quefféléant user de sa voix agréable, mais guère faite pour s'imposer dans les classements de tubes pop. On le préfère sur la ballade folk "Pezh On..." ("ce que je suis"), ou sur le très beau "Siúl a Gra", empruntant à la tradition irlandaise. Les synthétiseurs offrent de belles couleurs à ce titre, ainsi qu'à certains instrumentaux.

Bien entendu, ces derniers sont les morceaux les plus faciles à apprécier pour les habitués. "Caste Kelly Reel", tout comme le délicat "Koto", évoquent le TRISKELL du milieu des années 70. La harpe sur fond de claviers et de cornemuses pour l'écossais "Gwenolé" annoncent le prochain album, le magnifique Ondée.

C'était... est peut-être bien l'album "intello" d'AN TRISKELL, en cela qu'il propose des éléments qui plairont surtout à une frange des auditeurs non-puristes de la musique celtique traditionnelle. Il y a des sonorités jazz mais aussi contemporaines, comme l'image de la jolie pochette réalisée par Mme Huitorel, la femme du batteur. Les textes s'inscrivent dans des tons fleur bleue, comme un lien distant avec le néo-romantisme alors en vogue.

Si les chansons restent plus ou moins réussies, la diversité fait la force de ce disque mieux qu'aucun autre du groupe, et les instrumentaux sont très beaux.