FEU! CHATTERTON (en hommage au poète Thomas Chatterton, génie non reconnu qui s'est suicidé à 17 ans pour éviter de mourir de faim), c'est d'abord une voix, un flow, un texte. Littéraire, travaillé, habité par un souffle qui vient des tripes, Arthur Teboul ne peut laisser indifférent. Et encore moins quand on a eu la chance de le voir en live.

La découverte des 12 pistes (l'album suit un EP de 2014 qui a fait du boucan grâce au single "La Malinche") est une très grosse baffe. Ce que l'on pressentait sur le EP se confirme: c'est tout le groupe qui est exceptionnel.

Un album aussi bien dansant que poignant, des morceaux qui savent changer de rythme sans casser l'énergie mystique qu'ils ont créée, des textes forts.

Pour illustrer leur travail, on peut prendre "Côte Concorde": le guitariste fait pleuvoir un voile de notes qui habille la narration habitée de Teboul. Un tableau gigantesque et terrifiant se crée sous nos oreilles, et toute la tragédie du Costa Concordia s'imprime pour toujours sur nos tympans avec un lyrisme jamais déplacé ou surjoué. La poésie est au coeur de ce chef d'oeuvre, et sa musique est d'une justesse désarmante.

Ces musiciens très fins et complémentaires (allez les voir en concert!) sont rock jusqu'au bout des ongles. L'energie de "Fou A Lier" et son refrain punchy, "Ophélie", "La Malinche" (irrésistible) ou encore "Boeing" - rock nerveux pour dancefloor moite - montrent à quel point le groupe maîtrise son sujet comme aucun autre groupe en France. Les sons de guitare, de claviers (le fantastique et saisissant "La Mort dans la Pinède"), de batterie ("Le Pont Marie") sont les témoins d'un travail d'architectes sonores qui laisse pantois.

Cet album, dans un pays de variétoche, de rap minable ou de R&B creux, est un miracle.

On peut convoquer BREL, NOIR DESIR ou BASHUNG mais FEU! CHATTERTON est déjà loin ailleurs et peut s'enorgueillir d'avoir immédiatement engendré une identité très forte, reconnaissable entre mille.

Comment pourront-ils égaler cette première oeuvre?