Paru trois ans après son premier opus, cet éponyme Moondog poursuit la quête humaine de son compositeur. Ainsi que vous le constatez sur la pochette, notre homme ne s'encombre pas de détails quant à son look. Nous sommes pourtant en 56, à l'orée de la révolution du Rock'n'roll. D'ailleurs d'ailleurs, figurez-vous que Alan Freed, l'homme qui inventa le terme "Rock and roll" adjoint en cette prestigieuse année le nom de Moondog à son émission "Moondog rock and roll matinee" et que son jingle d'entrée était une compo de notre Louis Hardin. Pas timide pour un sou, notre artiste aveugle porte le cas en justice et gagne. D'après les minutes du procès, Igor STRAVINSKY témoigna en sa faveur "Un compositeur très sérieux", ainsi que Benny GOODMAN et Arturo Toscanini. Ca en impose non, jazz et classique à l'aide d'un pauvre "Hobo" - clochard - comme il se désignait lui-même ?

Nous voici donc aux prises avec sa deuxième oeuvre majeure. Ne passons pas par quatre chemins, ce disque est plus ardu d'accès que le premier. On y retrouve beaucoup moins les longues pièces classiques gorgées de contrepoint. En revanche, nous avons tout de même ici un des classiques de MOONDOG. Il s'agit d'une courte composition menée de manière presque arythmique par un piano tout seul, juste fabuleuse, une ode à l'Hippocampe "To a sea horse". Tentez l'écoute, vous risquez bien de la reconnaître puisqu'elle a été utilisée régulièrement pour des jingles et des publicités. Vous tendrez l'oreille à l'écoute vous verrez, c'est surprenant !

Et puis pour les fans de la série Dexter... Je leur conseille vivement le titre d'ouverture "Caribea"... Si cela ne vous rappelle rien, c'est que vous êtes de bien mauvaise foi. D'un autre côté, Miami jouxte la mer des Caraïbes, est-ce si étonnant ? Je conseille aussi vivement la "Surf suite" qui nous fait naviguer au gré des vagues, aux prises avec un violon agile et endurant. La petite chanson "Trees against the sky" coupe le disque en deux par sa joie et son allant, malgré le manque d'orchestration. Et puis, comment ne pas évoquer son jeu sur les percussions : la trimba est reine sur "Tap dance" où il imite le son des claquettes alors très en vogue, ainsi que sur la "Drum suite".

"Tree trail" le voit raconter à grands coups d'archet et de percussions la vie animale sur un arbre. C'est très étonnant, presque onirique, et cela sonne foncièrement asiatique. Je vois là l'influence de sa deuxième épouse - et oui, notre homme est un queutard de première bourre, ne le cachons pas plus avant ! -, une superbe Eurasienne prénommée Suzuka. Nous lui devons le chant absolument insupportable sur le titre "Lullaby" où on distingue aussi les gazouillis de leur fille. Hélas, l'influence de l'Asie perdure sur les essais de Oo, son instrument à cordes pincées, dont j'avoue ne pas être fan. On passera donc sur les titres "Oo debut" et "Death when you come to me", mais nous retiendrons cependant les paroles prophétiques de la seconde. La vie animale se poursuit avec "Big cat" et "Frog bog" toujours aussi exotiques.

On est en pleine nature sur cet album, bien loin des scènes de rue quotidienne de New York décrites dans son premier album. De fait, l'ambiance est moins "Rock'n'roll", plus champêtre, presque rurale. Fortement déconseillé pour débuter l'écoute de MOONDOG, il montre pourtant le respect de l'artiste pour la nature, se rapprochant en cela de ses primes influences amérindiennes. Cette évolution est toutefois à noter. Il est rare de constater une telle différence entre les deux premiers albums d'un compositeur. Pour le reste, nous sommes en pays connu, les percussions sont là de bout en bout, la trimba Rule ! Malgré tout, moins essentiel que le premier. Un 2.5.