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Bruce Springsteen, Vélodrome de Marseille 31/05/2025
Par MARCO STIVELL le 3 Juin 2025 Consulté 724 fois

27 ans, 27 chansons.
Est-il possible d'attendre 27 ans pour se décider à aller voir en concert un artiste qu'on adore, en partant du moment où on l'a connu ? Et encore, cette décision, d'autres ont fini par la prendre à votre place, pour un concert qui de plus aurait déjà dû avoir lieu ('il' ne l'avait annulé qu'au dernier moment, luttant contre une extinction de voix, espérant jusqu'au bout le faire malgré tout). Des amis qui ont su être là au moment des remises en ventes qui, sait-on, ne font jamais très long feu surtout quand elles restent abordables, et qui se sont dit qu'il n'y aurait peut-être pas de nouvelle chance...

Plus question de se défiler, du coup. Certes, les raisons qui m'empêchaient de le faire durant tout ce temps étaient ancrées bien solidement et ne concernaient pas Bruce SPRINGSTEEN lui-même ; c'est néanmoins avec un mélange de gratitude et d'excitation que je prends la route pour Marseille, en bonne compagnie amicale, ce samedi 31 mai vers 11h45. Encore, il faut se retenir : si, de nouveau, le concert était annulé ?... On va tout faire pour être là où on doit être en temps, en heure, en passion, et advienne que pourra !
Passons vite sur le trajet, même s'il comporte la seule parenthèse touristique de marque et en arrivant à Marseille qui plus est. Non, pas la cité phocéenne telle qu'elle est montrée d'ordinaire à la télévision dans les reportages/documentaires, mais sous ses plus beaux atours, tous littoraux, allant du Vieux Port et du Pharo, passant par la Corniche, frôlant le vallon des Auffes et saluant de loin les îles du Frioul (Edmond Dantès, comte de Monte-Cristo, was here), laissant sa tranquillité au Roucas Blanc (véritable Hollywood local) et plongeant vers le sable vers l'infini ou au moins jusqu'à la Pointe Rouge, sans qu'on soupçonne les Goudes derrière (village de pêcheurs aux portes d'une métropole), mais cela, on ne fera que le dire puisque arrivés à la statue de David, on prend à gauche.
Nous parvenons au stationnement près de ce cher Orange Vélodrome à 13h30. L'après-midi va se passer dans un rayon limité alentour du parc Chanot, à saluer de loin le courage des die-hard fans qui campent devant l'entrée du stade depuis deux jours et défient le soleil provençal, à maugréer face aux boutiques – éphémères - dédiées à JUL (qui est passé avant Bruce au Vélodrome, une semaine plus tôt), à s'offusquer de la circulation routière marseillaise whatthefuck rien que sur l'avenue du Prado et du manque total de civisme encore plus grand côté piéton, à renoncer à l'achat d'un T-Shirt E STREET BAND au merchandising étant donné les prix prohibitifs... Et puis quelques verres (sans alcool pour bibi naturellement) et glaces dans les bars/brasseries attenantes vont tuer le temps, de même que les discussions passionnantes. Et puis Bruce est là, partout, sur les vêtements estivaux des vétérans comme des jeunes femmes les plus agréables visuellement, dans les enceintes des terrasses tout autour du rond-point du Prado qui diffusent ses chansons haut et fort à la suite, avec quelques doublons d'un établissement à l'autre certes mais pas mal de surprises également. À la fin d'ailleurs, et au moment des pronostics concernant 'la' chanson d'ouverture surtout (ni l'un ni l'autre n'avons voulu regarder de vidéos récentes), le fait d'entendre plusieurs versions live nous fait craindre d'être spoilés concernant la set-list du concert tant attendu.

Passons vite sur l'arrivée bruyante et fiévreuse dans le stade mythique au toit de vagues blanches, les seuls échanges brefs avec un groupe-famille d'autres fans venus de Saint-Etienne (le hasard, dites, ça existe vraiment ?) ou plutôt revenus car l'an dernier c'était donc pour rien hélas, l'installation dans la liesse (et le vertige, étant donné la hauteur des gradins supérieurs et la perspective offerte). Il est entre 17h30 et 18h, tout va mettre un peu de temps à se remplir et encore, de nombreuses places de certains 'carrés' resteront vides. Sans compter l'arrière-scène, tout ce virage nord sans vie ce soir qui aurait fort bien pu servir à une projection oblique du concert encore plus grande que les écrans, mais passons. En tout cas, nous sommes mieux placés que ce que l'on pensait avec l'écran de droite bien visible et une bonne partie de la scène, en incluant même le piano du 'Professor' Roy Bittan qui nous tournera le dos.
On sait que notre bonhomme commence à l'heure, 19h30 et il s'y tient. Chose que l'on regrette un peu quand même, car à la fin mai, y compris avec ce toit couleur nuage laissant le jour filtrer modérément, le soleil met du temps à se coucher ; pour l'ambiance unique donc, un retard d'une heure aurait été presque espéré !

Mais voilà, 19h30 (ou 32), ça y est, les voilà. Toujours le BAND d'abord et lui à la fin, la Patron/Boss, pour la plus grande ovation. L'attente est récompensée, les déceptions de l'an dernier envolées. Et moi, que dire ? Vingt-sept ans, purée... Enfin, le 'contact' se fait ! Ah la la... Bon, Bruce arbore un gilet sans manches noir sur chemise blanche, ça le cintre un peu (d'autant qu'il va le garder presque tout le long), et on ne sait jamais si on a affaire à un vieux cowboy de caractère aiguisé ou bien au prochain président des Etats-Unis. D'ailleurs, il est très remonté et on sait pourquoi, l'actuel en exercice lui sortant par les yeux naturellement et en plus, il lui a cherché des noises quelques jours avant. Dès que Bruce arrive donc, ce sont quelques mots prononcés sur un mode provoc/contestataire et 'rêve américain' qui semble d'une autre époque, mais duquel tant de gens ont besoin et qui en tout cas, rassemble toujours autant vu les acclamations. Etant peu politique et 'grandes idées scandées', je me contente de l'écouter plus ou moins religieusement, même ensuite dans la soirée, durant la longue intro de "My City of Ruins" qu'il étire pas mal sur le sujet. Toutefois, le peuple, la masse a besoin de héros, et tant pis si c'est partial, mais Bruce SPRINGSTEEN, à 75 ans, garde l'un des meilleurs visages possibles en la matière.

Après tout, il est bien le mien, pour des raisons musicales et humaines qui sont déjà plus que suffisantes. Pensez un peu, un gars parti de rien, devenu une des plus grandes stars de la planète (il incarne ce fameux 'rêve américain', en somme) sans oublier d'où il vient, toujours sous les feux de la rampe, qui sait être aussi bon hurleur et bête de scène en rock que conteur folk poignant, selon le type de guitare qu'il tient en main. Et puis voilà, comme dit dans la chronique du premier album solo de son épouse Patti SCIALFA (cf. Rumble Doll), vous en connaissez beaucoup, vous, des groupes avec pareil effectif, aussi durables et aimés des fans pour leur entièreté, qui mêlent aussi harmonieusement l'épouse (ainsi que, souvent, ses deux amies d'adolescence) et la bande de vieux copains ? Avec 'Little' Steve Van Zandt (chant, guitares), ils jouent ensemble et font les quatre cents coups depuis près de soixante ans, et même si le lieutenant au bandana s'est exclu en 83, depuis la reformation générale en 99 il est resté fidèle, malgré son rang de nouvel acteur à succès (The Sopranos, Lilyhammer). Depuis 1975, Roy Bittan (piano, synthétiseur), Clarence 'Big Man' Clemons (saxophone, percussions), Danny Federici (orgue Hammond, accordéon), Garry Tallent (basse) et Max Weinberg (batterie) ont obtenu un contrat à vie - hormis la période d'arrêt 89-99 donc -, et seule la mort peut/a pu les séparer. Danny est celui qui va me manquer le plus, ce soir, remplacé depuis 2008 par un Charlie Giordano efficace et chaleureux, mais aussi plus 'poseur' (j'adorais le Federici souriant seulement au public et sans tenir compte de la caméra pendant ses solos), tandis que Jake Clemons se substitue à feu son oncle 'Big Man' prestigieux (l'ancien favori du public) avec le brio et la présence physique que l'on sait. Avec modestie tout de même, car il reste en fond de scène le plus souvent pour s'avancer pendant ses solos. Nils Lofgren, le lutin/parrain de la six-cordes, et Patti Scialfa ont à leur tour signé pour de bon en 1984, même si elle l'a également fait en dehors depuis longtemps (devant l'autel et le maire) et que du coup, elle sera le premier grand manque 'réel et direct' de la soirée aussi ; pour la première – et peut-être dernière – fois que je verrai le E STREET BAND, il aurait été bon de voir les époux SPRINGSTEEN ensemble sur scène. Au moins, il y a ses deux plus anciennes amies et collègues chanteuses à elle, habituées du BAND depuis vingt-trente ans, les adorables Lisa Lowell – que j'ai confondue avec Patti sur l'écran, au début, tant elles se ressemblent - et Soozie Tyrell qui elle tient toujours aussi le violon. Du reste, depuis deux décennies, j'ai trouvé que le E STREET BAND s'était un peu trop boursouflé de cuivres et de choeurs supplémentaires (aussi, le retour aux sources de l'album Letter to You en 2020 n'en fut-il que plus appréciable), donc je me contenterai de mentionner tous les autres musiciens (y compris Ed Manion, saxophoniste baryton, vétéran pourtant lui aussi) en disant qu'ils ont tous bien participé à ce moment exceptionnel.

Après les quelques mots fustigeant le Donald de manière subtile donc, Bruce lance 'one, two, three, four', leitmotiv tous ses morceaux en live (et parfois même au beau milieu d'entre eux) et c'est parti pour le grand voyage, vers la "Land of Hope And Dreams" tant fantasmée ou nécessaire à sauvegarder. C'est incroyablement vibrant, comme depuis son introduction à la set-list de la tournée de reformation en 99-2000, celle que j'aurais le plus aimé voir mais c'était encore trop frais par rapport à la découverte Bruce. Le son est fort, criard, tout ne semble pas bien géré avec les résonances du stade, et ce sera un autre point 'glissant' de la soirée, mais dont on s'accommode sans trop gâcher le plaisir. Ils sont là, Steve qui semble rajeunir, Garry la force tranquille (qui gardera un aspect Blues Brothers avec ses lunettes noires tout du long), le 'Mighty' Max dont on peut remercier les kinésithérapeutes (s'il en a) vu comme il est toujours si dynamique et fort en frappe à son âge, et ce cher Jake, le benjamin de la bande, qui restitue si bien l'âme de son oncle 'Big Man' dans le souffle de saxophone ténor surpuissant. Avec les transitions habituelles vu que le Boss balance toujours quatre-cinq chansons d'affilée pour hors-d'oeuvre, on enchaîne avec "No Surrender", grandiose, puis "Death to My Hometown" et sa couleur folk celtique massive, ensuite "Lonesome Day", glorieux symbole du retour du E STREET BAND en studio avec l'album The Rising en 2002, et enfin, "My Love Will Not Let You Down", car un concert de Bruce sans faces B/inédites n'est guère envisageable et que celle-ci a aussi symbolisé quelque chose de grand, la tournée de reformation de 99-2000 à New York City. À ce stade, nos pronostics de chansons d'ouverture étaient assez bons, pour les vieux titres du moins.

Première pause, et là, le toujours surprenant SPRINGSTEEN nous balance une vraie surprise avec "Rainmaker", chanson du dernier disque Letter to You (2020), planante autant que pleine de résonances, qui décrit bien l'aridité nette ou figurée qui plombe les U.S.A. Un grand moment, tout comme ensuite les enchaînements de 'deux morceaux du même album' à la suite, comme "Darkness on the Edge of Town" et "The Promised Land" (meilleure version de cette chanson à mon goût) pour l'année 78, et juste derrière, "Hungry Heart" et "The River" pour l'année 80. Cette dernière, "The River", déjà en tant que dixième chanson, a un impact particulier, et ensuite, beaucoup plus encore pour les mêmes raisons qui ont fait que pendant plus de vingt ans, l'envie de voir Bruce en concert était totalement bloquée... Quelle merveille, faussement débutée en plus par Steve à la 12 cordes et Bruce qui à l'harmonica n'était pas tout à fait prêt...
Ensuite, ça reprend haut et fort grâce à la même trajectoire que la tournée reformation 99-2000 qui, après "The River", moment en apesanteur et touchant la corde sensible, voyait SPRINGSTEEN et le BAND rebalancer la sauce avec un "Youngstown" transfiguré (The Ghost of Tom Joad, 1995, seul extrait des nineties ici), solo déchirant de Nils Lofgren inclus (une vraie découverte pour la personne qui m'accompagne), puis un "Murder Incorporated" bien senti. Seulement, il n'y a pas "Badlands" juste derrière cette fois-ci (pas tout de suite), mais "Long Walk Home", unique titre de Magic (2007) qui fait son effet un peu plus calmement que "Land of Hope and Dreams". Puis le groupe fait une pause, et Bruce qui garde la scène en attendant, de nouveau contestataire verbalement, prend sa guitare acoustique, son harmonica et entonne "House of a Thousand Guitars" de Letter to You, jolie chanson mais pas celle que j'aurais sélectionnée personnellement, d'autant plus qu'elle sera, nouveau regret, la seule dans ce ton-là.

Le groupe revient, après un long speech acéré donc, pour "My City of Ruins" gorgé de soul et immense, enchaînant ensuite avec "Because the Night", le tube écrit pour Patti SMITH en 78, toujours dans les bonnes grâces du public, puis "Wrecking Ball" sauvage et festif avec ses cuivres notamment, puis "The Rising" toujours aussi merveilleux, "Badlands" indéboulonnable, qui débouche sur la plus belle des surprises, "Thunder Road", surtout pour une certaine personne à mes côtés dont c'est la chanson préférée du Boss et qui (après le changement de titre de tournée 'Thunder Road tour' en 'Land of Hope and Dreams tour') n'y croyait plus. Un très grand moment, en vingtième position, tout comme "The River" l'avait été en dixième. Bruce en a fait des va-et-vient de la scène au parterre depuis le début du concert, saluant le public, le laissant lui toucher la main ou échangeant des bises avec des filles/dames... Mais aucun n'a été plus captivant que celui-là, le morceau ayant ce côté 'fleuve' par les paroles, le déferlement émotionnel.

C'est bientôt la fin, on le sait. Mais le premier rappel se nomme "Born in the U.S.A." et, sous la nuit enfin tombée, les lights s'éteignent et le stade s'éclaire comme en plein jour. Dommage qu'on n'ait plus la voix suffisante en cet instant, mais le public ne se laisser pas démonter. Un moment fort, enchaîné avec "Born to Run" (j'aurais plutôt vu l'inverse, mais bon), autre classique indémodable, puis "Bobby Jean" qui n'a pas été un tube ni même un single contrairement à tous les autres de 1984, mais que le groupe comme le public porte dans son coeur, et enfin "Dancing in the Dark", pour que tout le monde danse et chante plus que de raison. Avec le temps, Bruce a décidé de ramener "Tenth Avenue Freeze-Out" en live à des proportions raisonnables, et pour cause, la présentation des musiciens s'est faite avant. Et puis, à ce moment precis qui symbolise l'amitié du E STREET BAND qui apprenait pourtant à marcher en 1975, on a plein de photos/vidéos qui célèbrent la mémoire des deux grands disparus, Clarence surtout mais aussi Danny. Après toutes ces années, impossible de les oublier...
Les deux derniers éléments de gloire apportés sont des reprises, "Twist and Shout" des BEATLES (dont on aurait beaucoup aimé un petit enchaînement avec "La Bamba" de LOS LOBOS, dotée des mêmes accords) et l'ode à la liberté, "Chimes of Freedom" de Bob DYLAN. Et puis, voilà. La messe est dite, en mode rock'n'roll et camaraderie. Tout le groupe salue et passe en file devant le Boss, le Patron, qu'il frôle/salue de la main tandis que lui sourit et remercie fièrement, dignement, comme le grand seigneur qu'il est, pourtant le plus humble, mais qui peut tellement se féliciter de ce qu'il a accompli, ce soir, depuis tant d'années... Il reste un peu plus, sous l'ovation la plus grande, comme quand il est arrivé. Tout comme il avait bien fait ressortir le nom de Marseille pendant la folie furieuse qui a précédé, on aurait pu penser qu'il prendrait sa guitare et rajouterait quelques chansons inédites, une petite 'spéciale' pour pallier l'annulation de l'an dernier... Et puis, et puis voilà. Il est temps de rentrer, de ménager sa voix et l'ouïe qui mettra du temps à revenir... Temps de revenir sur terre tout en se disant 'ça, c'est fait', mais pas comme le reste. Vingt-sept années, vingt-sept chansons. Et un sacré tonnerre de sentiment unique immortalisé.
Merci Bruce, merci.



Le 15/06/2025 par HENRY J

J'ai un live enregistré d'une radio des années 80 et c'est étonnant qu'il joue encore twist and shout vers la fin du concert, c'est une tradition.



             



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