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Claude NOUGARO - Le Cinéma (1962)
Par RAMON PEREZ le 9 Juin 2025          Consultée 176 fois

NOUGARO s’est longtemps cherché. Auteur pour d’autres, il n’arrive pas vraiment à l’être pour sa pomme. Son premier album, sorti en 1958, n’a convaincu personne et surtout pas lui. Il retourne dans son trou encore un moment, histoire de mûrir davantage. Puis il en ressort la trentaine déjà bien entamée, beaucoup plus sûr de lui. Une chose est désormais bien claire : il veut être en personne la vedette portée par ses mots ; fini de jouer les plumes, à lui de chanter maintenant ! Il a un atout dans sa manche qui s’appelle Michel LEGRAND. Le grand musicien, qui le suit depuis le début, a les bonnes connexions. C’est ainsi que le Toulousain approche l’incontournable Jacques Canetti, celui qui a repéré à peu près tous les grands noms de cette époque et qui est encore à la direction de Philips. Cette maison le recrute, elle va être le lieu de sa retentissante explosion.

Celle-ci va venir très vite, la flamme s’allumant dès le premier disque. Celui-ci n’avait à l’origine pas de titre ; par la suite on l’a appelé de celui du morceau d’ouverture. Une appellation hautement symbolique pour ce NOUGARO qui fait, en un sens, ses premiers véritables pas ici. Ce qui a précédé est relégué au rang de préhistoire, le chanteur n’en fera à peu près aucun cas par la suite. De toute façon l’idée de premier album est discutable chez lui, comme pour la plupart des artistes de l’époque. Les 33 tours font alors 25 cm, ils ont bien peu de place et se limitent à une grosse vingtaine de minutes, loin de ce que l’on a associé par la suite à la notion d’album : le 30 cm et sa durée deux fois plus longue. De plus, à cette époque, on mise davantage sur les 45 tours. On en produit très régulièrement et on les regroupe de temps en temps dans un 33. C’est justement par une chanson parue sur un de ces 45 tours, postérieure à l’album*, que Claude va s’imposer définitivement comme un chanteur à succès. "Cécile ma fille" va germer sur le terrain admirablement préparé par Le cinéma.

Celui-ci démarre donc par la chanson du même titre, je pense qu’il y a pas mal d’artistes qui aimeraient bien avoir un morceau de cette trempe ouvrant leur premier album. Quelle entrée ! Il y a tout le NOUGARO sophistiqué dans ce titre. D’abord une impressionnante composition de Michel LEGRAND qui alterne trois parties distinctes aux ambiances très contrastées. Ensuite un texte d’une grande modernité, plein de fantasmes. Enfin un interprète précis et habité, quasiment comédien. Il est tentant de faire le rapprochement entre NOUGARO et la Nouvelle Vague qui oriente alors le cinéma, beaucoup l’ont fait. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’on retrouve très fréquemment ce genre de chansons dans les premières années de sa carrière ; des petites scènes de quelques minutes particulièrement bien dessinées par ses mots et habillées par les orchestrations.

A commencer par "Une petite fille", composée cette fois par Jacques Datin, qui est aussi une superbe exposition d’un cinéma intérieur, particulièrement vivante. C’est cette chanson qui fut le premier succès notable de notre homme, prenant une bonne place au hit-parade du moment. Toutefois celle que la postérité a gardée arrive un peu plus loin. Tout un programme que celle-ci, d’ailleurs… "Le jazz et la java", premier standard de jazz mis en vers par le chanteur, du BRUBECK réarrangé par Datin. Mais c’est bien le texte qu’il faut regarder, tant il est révélateur du projet Nougarien : faire le pont entre ces deux traditions, celle bien de chez nous avec celle débarquée de l’autre continent mais qui occupe largement les caves de la capitale. NOUGARO se demande bien pourquoi ces deux-là se font la gueule, il s’emploiera dès lors à les réconcilier et y parviendra bien au-delà de ses espérances. On peut au passage admirer sa démonstration de précision rythmique.

Dans cette veine d’une tentative de définition de son art, il faut aussi s’arrêter sur "La chanson". Cette valse sent les harmonies de LEGRAND à plein nez, mais c’est à nouveau le texte qui parle en posant en un sens les objectifs de NOUGARO, sa raison d’être chanteur. Il y a là aussi une part de rêve qui traverse ses mots, celui de son ambition artistique, de pouvoir un jour se comparer à Edith PIAF, modèle explicite. Lui va consacrer une grande partie de sa Chanson à la séduction. Avec beaucoup d’autodérision dans "Les Don Juan", chanson parodiquement troupière que Les FRERES JACQUES se sont appropriés peu après. Avec une grande vitalité dans "Tout feu tout femme", un texte qui aurait pu être de GAINSBOURG ou chanté par AZNAVOUR, mais qui n’appartient finalement qu’à lui. Et encore une fois avec une façon très cinématographique pour "Le rouge et le noir", autre leçon d’écriture et d’interprétation made in NOUGARO.

Il y a dès ce premier disque une qualité verbale exceptionnelle. Une matière de choix pour le grand interprète qu’il est d’entrée de jeu, quoi que sa voix soit encore un peu jeune. Relevons également un accompagnement qui lui laisse la place qu’il mérite. Non content d’avoir composé les morceaux (sauf les deux de Datin), Michel LEGRAND a tout orchestré en personne. C’est aussi lui que l’on entend au piano, accompagné de son orchestre. Contrebasse et batterie surtout, avec déjà l’orgue du complice Eddie Louiss. L’ensemble est sobre. Parfaitement bien taillé, élégant. Il n’y a au fond rien à reprocher à ce disque, si ce n’est le format en lui-même car il limite les choses. On peut surtout penser que NOUGARO est allé bien plus loin par la suite. Mais la base est solide, les fondations bien posées. Ces neuf chansons lancent pour de bon le toulousain dans le voyage d’une quarantaine d’années qui l’a vu construire cette œuvre majeure.


*Certaines éditions CD ont intégré les quatre morceaux de ce 45t à l’album original

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1. Le Cinéma
2. Les Don Juan
3. Une Petite Fille
4. Le Jazz Et La Java
5. Ou (allez-y Les Bergères)
6. La Chanson
7. Le Paradis
8. Le Rouge Et Le Noir
9. Tout Feu Tout Femme
10. Cécile, Ma Fille *
11. L'église *
12. Les Mines De Charbon *
13. Ma Fleur *



             



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