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CLIPPING. - Dead Channel Sky (2025)
Par K-ZEN le 10 Juin 2025          Consultée 186 fois

Zap !

Via cette interjection se manifestait l’objet fétiche des Zappeurs, bande dessinée signée Ernst dépeignant les aventures d’une famille raide de la télévision. La télécommande semble totalement dépassée aujourd’hui, remplacée par son pendant digital et docile le scroll infini. Cependant, celui qui est soumis n’est pas forcément celui qu’on croit, ne parvenant plus à lever le nez pendant des dizaines de minutes, y compris lorsqu’il se retrouve à devoir marcher au cœur de pavés bondés. Ainsi le plaisir de trouver le silence vaguement troublé de la neige parabolique a disparu, l’angoisse oppressante d’un sommeil qui se fait largement désirer l’ayant remisé au placard.

Cet immense écran blanc, il a frappé tous les infortunés spectateurs du festival de Cannes en ce samedi 24 mai 2025, jour de panne géante d’électricité à l’ouest des Alpes-Maritimes, mais seulement modérément. Car lorsque tous les groupes électrogènes se mirent rapidement en branle afin que ce petit monde ne soit touché que l’espace de minuscules minutes, à quelques blocs de là, le simple quidam voyait anxieux ses petits pois surgelés tourner de l’œil alors qu’il ne pouvait plus envisager un café ou même sortir de chez lui, piégé par ce qui lui semblait être la sécurité une poignée de secondes auparavant se transformant soudainement en prison inviolable. Ces digicodes diaboliques donnaient pleinement corps aux visions de cauchemar urbain du monumental Ravage signé René Barjavel.

Deux salles, deux ambiances, séparées par un papier à cigarette ou l’épaisseur du billet servant à l’acquérir, tant que l’argent liquide sera encore autorisé bien entendu. Ainsi s’exprimait récemment la dernière lubie de certains hommes politiques hexagonaux qui pourraient saisir ici une occasion inédite de s’inviter insidieusement dans la vie intime du citoyen, épluchant ses comptes d’un œil perçant afin d’identifier les dépenses trop déviantes, telle une future étape supplémentaire d’un contrôle n’ayant pas grand-chose à envier au crédit social à l’œuvre chez certains voisins et s’étant auparavant exprimé – au hasard – via l’interdiction de prendre un café debout. Ce ne serait qu’une absurdité de plus d’une société en proposant à la pelle : une mention exagération publicitaire trônant sans aucune honte et assumant de rouler l’infortuné spectateur myope ou naïf dans la farine, quand ce ne sont pas des voitures que convoquent ces réclames infinies, contre-pied parfait d’une écologie à deux vitesses voulant réduire les vols annuels du citoyen lambda alors qu’au même instant le monde entier se voit convoqué à grands coups de kérosène pour des messes solennelles accouchant souvent d’une souris.

Le virus est-il alors tant technologique que simplement humain ? Après tout, Internet n’est pas né seul, et bien qu’il soit saturé via force robots haineux, ceux-ci sont bien contrôlés par chair et sang au bout du compte lorsqu’on remonte le fil… En tout cas, au démarrage du modem, ce morceau de code maligne est dans le moteur, sans appel, la recombinaison des binaires ayant créé un équilibre neuf malgré la perte de certains paquets d’information.

Dead Channel Sky est le sixième album de l’entité tricéphale clipping., intitulé comportant à nouveau le terme dead et annonçant nettement la couleur lexicale. Le disque navigue ainsi entre routeurs cinglés, frigos connectés produisant des glaçons de manière industrielle et autres câbles Ethernet incendiaires, autant d’esclaves technologiques au service d’une musique toujours fortement hybridée. Évidemment, le hip hop reste son terreau naturel, où la vélocité de Daveed DIGGS peut poursuivre son incroyable développement, humus teinté de fracas industriels – quand ces derniers ne constituent pas tout simplement d’inquiétantes interludes – parfois adouci de bruits naturels et de cordes émouvantes. Les immenses "Code" – rêverie où plane l’ombre de l’oiseau synthétique peint par 808 STATE sur l’immortel "Pacific" – et "Keep Pushing" en sont les parfaits témoins.

Cependant, la nouveauté de cette livraison est l’adjonction de fragments technoïdes dansants non dénués d’un second degré vitriolé. Mieux que le manifeste sifflant "Dominator", l’incroyable "Mirrorshades Pt. 2" convoque le monde impitoyable des boîtes de nuit, saturé de beaux gosses et de bitches gloussant sur la scène tout en faisant explicitement référence à un terme central de la culture cyberpunk originellement usité dans Necromancer signé de la plume de William Gibson en 1984. Plus récemment, ces verres miroirs comme on peut tenter de le traduire, on les vit chaussés par le Terminator ou le personnage fondamental de Matrix Morpheus.

Ces thèmes futuristes irriguent abondamment Dead Channel Sky jusqu’en faire un album-concept assumé, compact et fluide, dont les écoutes successives le rendent à chaque fois plus précieux et convaincant, son final prodigieux favorisant définitivement ce jugement. "Ask What Happened" clôt en effet les débats de manière majestueuse, son ambient se nécrosant peu à peu vers un drum’n’bass généreusement assaisonné de cordes japonaises (serait-ce le même koto dont BOWIE s’était paré afin d’élaborer un inoubliable titre de Heroes ? …). Un magnifique morceau de musique, gorgé d’une émotion absolument palpable.

Au fur et à mesure que le focus s’éloigne, tel l’ultime plan d’un légendaire concert ayant eu lieu à Pompéi au cours des années 70, le lucane est à présent totalement identifiable, pièce de glaise d’épouvante échappé de cet écran diabolique. Précédant l’explosion de ce dernier, l’infortuné spectateur pouvait y voir son reflet troublé par un feu crépitant, l’instrument de mort ne faisant plus qu’un avec son horrifique détenant organique. L’hybridation serait appliquée directement sur les tempes battantes, attendant le moment propice à l’incommensurable, une fois le hurlement des cordes ayant atteint sa luxueuse accalmie.

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- Daveed Diggs (mc)
- Jonathan Snipes (production)
- William Hutson (production)


1. Intro
2. Dominator
3. Change The Channel
4. Run It
5. Go
6. Simple Degradation (plucks 1-13) (avec Bitpanic)
7. Code
8. Dodger
9. Malleus
10. Scams (feat. Tia Nomore)
11. Keep Pushing
12. « from Bright Bodies » (interlude)
13. Mood Organ
14. Polaroids
15. Simple Degradation (plucks 14-18) (avec Bitpanic)
16. Madcap
17. Mirrorshades Pt. 2 (feat. Cartel Madras)
18. « and You Called » (interlude)
19. Welcome Home Warrior (feat. Aesop Rock)
20. Ask What Happened



             



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