Le disque J’attendrai, sorti au milieu des années 70, ouvert à l’expérimentation sonore, s’inscrit pleinement dans son époque, écartelé entre chanson plus classique, pop orchestrale, veine pop rock molletonnée et premiers frissons disco. Il mêle des titres déjà bien installés du répertoire de DALIDA, "Il Venait D’avoir 18 Ans", "Ta Femme" et "Gigi L’Amoroso", à une série de nouvelles compositions.

Titre phare, "J’attendrai" est presque une revendication artistique. Adaptée du classique italien "Tornerai", immortalisée dans l’entre-deux-guerres par la voix de Rina Ketty, la chanson devient emblématique lors de la Seconde Guerre mondiale. Ici, elle est ouverte à un souffle nouveau, loin d’une simple reprise, DALIDA en propose une transfiguration sensible et résolument moderne. La valse d’autrefois garde sa mélancolie mais devient balancement rythmée où basse ronde et profonde, synthétiseurs et orchestration ample insufflent une sensualité nouvelle. On y perçoit les premiers frémissements du disco français fondus dans les textures classiques. DALIDA y pose les premiers jalons d’un esthétique disco à la française. Ce mélange entre nostalgie et pulsion moderne en fait une adaptation très réussie. DALIDA y dévoile une voix claire qui flotte au-dessus de l’arrangement avec un naturel saisissant. Une performance, plus que réussie, tout en équilibre.

L’amour, bien sûr, est le fil conducteur de l’album. "L’amour À La Une" est une variation pop sur le spectacle des sentiments exposés. Cette ballade s’appuie sur une guitare rythmique groovy, une basse percussive et un certain détachement vocal avant qu’elle ne reprenne discrètement le thème du "Parrain 2". L’on se souvient de sa reprise de "Parle Plus Bas" du premier film. Ici, le souffle est retenu, le piano pudique, l’orchestre plutôt classique et discret. Toujours juste, puissant, mais moins prenant. L’on ne passe pas à côté de la sensible et célèbre chanson "Il Venait D’avoir 18 Ans" dévoilée quelques années plus tôt.

Duo inattendu avec son compagnon de l’époque, Richard Saint-Germain, "Et De L’amour, De L’amour" est direct dans son écriture, presque naïf, un air qui reste en tête, touchant sans se retenir sur le long terme. De "Ta Femme" – que l’on connaît déjà – lettre ouverte d’une femme blessée sur des cordes dramatiques à la flottante "Ne Lui Dis Pas", à l’arrangement résolument plus moderne, DALIDA chante des monologues discrets et sensibles.
"Raphaël" surprend par son orchestration folk et pastorale avec sa guitare acoustique et son piano cristallin. L’arrangement flirte parfois avec la baroque pop un peu psychédélique. Une parenthèse curieuse assez réussie.

Pour le final de cet album entre le mini-opéra populaire "Gigi L’amoroso" dévoilé un an plus tôt et l’adaptation du célèbre "Cabaret" de Bob Fosse, "Mein Lieber Herr", DALIDA revêt ses vêtements de scène. Si la première a déjà été évoqué lors du précédent album, la seconde suit le mouvement. Elle est un numéro de cabaret queer avant l’heure. DALIDA joue avec les genres. Certains y verront du kitsch, elle est pourtant impossible à ignorer, déclaration d’indépendance et affirmation sur cuivres éclatants, joyeux et libérateurs.

Musicalement, le disque J’attendrai reflète un basculement entre ballades orchestrales classiques qui prolongent la veine romantique et dramatique et des arrangements plus modernes où l’on entend apparaître des rythmiques plus appuyées telles qu'une basse proéminente, un synthé et bien sûr les premiers éléments disco grâce à "J’attendrai" sommet de l’album. Outre cette dernière et les titres déjà connus et publiés ultérieurement, tout est juste, plaisant, DALIDA se fond dans la mélodie ou en prend le contrôle avec brio, mais rien ne transcende non plus.