Petite Marine, je parle de toi parce qu'avec ta petite voix... Si Francis CABREL avait écrit cette chanson-phare de la langue française à notre époque, le prénom aurait peut-être été légèrement différent, sans que l'on y trouve à redire. Bien sûr, il y a toujours des personnes dont l'aura médiatique ou autre galvaude/empêche cette utilisation avant même la naissance, si on est un peu sensible (combien de parents ont dit 'Nolwenn c'est joli, mais je ne le donnerai pas à cause de la Star Academy' ?). Parmi les femmes blondes du Nord, une des nombreuses Marine en France est d'un tout autre âge (dans les deux sens du terme) que la plus connue de toutes actuellement, et mérite qu'on lui témoigne de l'intérêt. Marine Delplace est une vraie 'milleniale', née le 29 mars 2000 à Arras, capitale de l'ancien comté d'Artois auquel, à défaut de grandes connaissances visuelles ou historiques mais en faisant preuve de fantaisie, on peut aisément raccrocher avec bonheur le prénom de Robert (merci Maurice Druon), plutôt que Stella (plutôt belge celle-là). Antoine également, puisque le capitaine De Saint-Exupéry a beaucoup aidé aux défenses aériennes d'Arras, comme il le raconte dans son livre Pilote de Guerre (1942) et qui a su convaincre les Américains d'un courage français certain, valant d'être appuyé.

Et donc celui de Marine, à présent. Car même si en ces jours de grande tolérance/défense de la liberté d'expression on lui cherche des noises diverses, surtout pour sa réponse spontanée à une question de journaliste concernant la consanguinité (la ville qui le serait le plus n'est pas dans le Nord-Pas-de-Calais, Wikipédia le savait avant et lui a appris), Marine telle que révélée en 2025 est une des figures culturelles les plus adorables que l'on ait. D'une part, c'est grâce à ses traits qui réunissent ceux de Laetitia Casta et de LOUANE, de l'autre à sa retenue naturelle, sincère. Sans oublier sa voix superbe qui est celle d'une vraie chanteuse techniquement mais pas que (elle peut attraper/tenir le même fa que Céline DION sur l'apogée de "All by Myself" et chante "La Grenade" bien mieux que Clara LUCIANI, sa 'marraine' de télé-crochet). Adorable donc et précieuse, tout comme la bourguignonne MAËLLE, de jeunes femmes simples et prometteuses.

MARINE, au contraire de son échec à intégrer The Voice Kids en 2015, plutôt dans la lignée de son joli 19/20 au bac musique ensuite, a beau avoir gagné la dernière Star Academy en date, et tout ce qui sourit lui sourire (contrairement à ses détracteurs donc), elle garde les pieds sur terre. À 25 ans, elle cumule sept ans d'études chirurgicales dentaires derrière elle, d'ailleurs dans la même fac lilloise qu'Iris Mittenaere, ancienne Miss France et Univers 2016. Et elle pourrait toujours retourner aux soins plus qu'utiles (d'aucuns diront la torture), voire à la préparation d'une thèse si jamais le vent venait à tourner dans l'autre sens. Dans tous les cas, elle a su émouvoir le public déjà et de différentes façons y compris, deux jours avant son anniversaire cette année, en rejoignant Julien DORÉ sur scène pour un piano-voix. Celui-ci ne figure pas sur ce premier album, Coeur Maladroit, par manque de temps ; en revanche, Eddy DE PRETTO lui signe deux titres, "Fille Ordinaire" et "Restes d'Averses" (ce dernier en co-écriture avec elle). Et naturellement, il y a "Ma Faute", qui avait déjà cartonné sur Internet en 2022 et dix fois plus au moment de la finale de la Star Ac' !

Ce premier effort sous son titre, et qui la représente bien (être sincère, surtout dans le bon sens, c'est être maladroit), est une production à caractère multiple, où l'on croise différents intervenants à la création comme à l'instrumentation. Les plus récurrents, parfois dans les deux cas, sont Pierre-Laurent Faure (qui a travaillé pour AMIR, HOSHI, Claudio CAPÉO, et surtout MARIE-FLORE) et – pour des paroles -, Sébastien Rousselet, moitié de l'ex-duo LA ROUQUINE, célèbre dans les environs de Laval mais qui a subi le décès de Nino Vella l'an dernier. Sachant aussi que MARINE fournit tout ce qu'elle peut de côté, et pianiste convaincue, elle en fait autant là et avec quelques claviers. Ajoutez quelques intervenants occasionnels comme Laurent Vernerey, vétéran de la basse en chanson-variété, le batteur Marlon B (accompagnateur de SINCLAIR puis -M- entre autres), Stan Neff que connaît OURS (deuxième fils Souchon), Grégoire Mahé (Juliette ARMANET etc), le Toulousain FOÉ, Billy Sueiro (des Niçois QUADRICOLOR/GRIEFJOY)... Sans oublier les 'coachs' de la Star Ac', à savoir Praa, Igit et Jeoffrey Dandy !

Malgré les apports de tous points, Coeur Maladroit reste assez constant en qualité. Son gros point noir et comme souvent de nos jours, c'est de coller de près aux productions qui se veulent propres, notamment pour ce qui est coller du Auto-tune graisseux sur des voix de chanteuses comme MARINE. Quand on s'en aperçoit, ce n'est pas si fréquent (merci), mais ça fait mal quand même, surtout quand c'est dès le début de l'album, la chanson "Fille Ordinaire". Alors que ce slow est beau, que le son du piano de MARINE façon 'demeure ancienne' est splendide (il est répété ailleurs dans le disque), et que même si on n'est pas client de l'ami DE PRETTO, aucun mal à reconnaître ici sa capacité à écrire des paroles adaptées au personnage ! Idem pour leur "Restes d'Averses" en commun, une jolie formulation du maquillage-sourire de la chanteuse qui doit masquer les troubles intérieurs, mais qui se sent seule une fois le concert ou la tournée finis. Superbes refrain et crescendos, jusqu'au sample 'détressedétressedétresse' aux choeurs qui imite la voix intérieure.

Le ton est encore très adolescent, normal tant cela s'accorde avec MARINE et son visage poupon, mais il y a déjà une belle profondeur. Sur le plan amoureux, "Coeur Maladroit" pose bien le cadre, sur fond de pop-soul smooth et sweetie : 'quand j'ouvre mes bras, ça tient parfois, mais je sais que tout recommencera'. "Ma Faute" injecte davantage d'éléments de culpabilisation après une rupture, avec un nouvel arrangement folk-cosmique à base de piano. Avec des tempos funk voire groovy-disco ("Ce Qu'il Nous Reste"), MARINE chante ce qui la marque, la hante, d'un point de vue intime, tel ce "D'accord" qui mentionne le ressenti face aux critiques subies en parallèle de la popularité. 'Quand ils te détestent sans même te connaître, dis-leur qu'ils ont tort et crie-le plus fort', c'est simple, fait pour être entendu par le plus grand nombre, mais c'est bien fait. Et puis moins directement il y a "Dalida", dédiée à une grand-mère en proie aux naufrages de la vieillesse, le contact amenuisé, les souvenirs plus que fluctuants. Chanson poignante, la favorite de MARINE.

Proche d'un "Que Ça Dure" très réussi qui n'est pas sans évoquer les élans les plus pop efficaces de Juliette ARMANET, du simple mais fin 'Gemme-j'aimerais que tu me reviennes' sur fond r'n'b typé 1990's dans ce qu'on y trouvait de meilleur, on trouve "Rappelle-Toi", un slow aussi velouté que bien senti ('et quand je compte mes amis sur mes doigts, je ne compte plus sur toi'). Velouté donc bien garni, en basse, en cordes (violons réguliers de l'excellente Marie Leloup), mais aussi un solo de guitare délicieux, bien trop bref et tardif. MARINE dira de ce premier album 'on aurait pu aller chercher plus loin encore', en autres arrangements c'est vrai : solos, percussions plus diverses, saxophone et cuivres comme sur "La Grenade" au concert du jardin des Tuileries pour la Fête de la Musique ? Peut-être pour le prochain. En tout cas, déjà elle s'affirme, et c'est ce qu'on attendait, tout comme les allusions au pays ch'ti. "Des Gens Bien", c'est son "Les Corons" à elle, avec les clichés à dépasser ('qu'y a trop d'Kévin et qu'on devine qu'on est cousins') comme dit plus haut, mais aussi les choses vraies, le folk sonnant ancien comme une chanson de RENAUD, bravo. Et plus loin, fort également, "À la Maison" où elle cite de nouveau les 'briques rouges' et sonne enfantine. En un mot, adorable.

Note réelle : 3,5
Accroche-toi MARINE, continue !