Recherche avancée       Liste groupes



      
TRIP-HOP/éLECTRO  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

2002 P.H. Test/Two
2007 Radio Blood Money
2009 Tilt
 

 Site Officiel (990)

Le PEUPLE DE L'HERBE - Radio Blood Money (2007)
Par ARCHANGEL le 18 Juillet 2025          Consultée 159 fois

Je mets Radio Blood Money comme on enclenche une fréquence pirate, les yeux fermés, sûre que les cuivres résonneront comme le tocsin de la résistance. Chez le PEUPLE DE L’HERBE, je sais d’avance que ça va pulser et cogner, au moins assez pour briser la vitrine de l’ordre établi. Publié en 2007, Radio Blood Money, le quatrième opus des Lyonnais, fonctionne comme une radio de l’insurrection. Ils y perfectionnent cette formule musicale subversive et déroutante qui a fait leur succès : mêler trip-hop, reggae et jazz à cette musique électronique froide qu’ils transforment en véritable matière vivante. Un manifeste sonore, un contre-journal télévisé pour fumer avec la rage au ventre.

L’avenir c’est maintenant, entend-on dès l’ouverture de "Yep!", comme un mot d’ordre lancé au monde, une secousse dans le calme apparent. C’est tout le paradoxe de ce morceau : chill et fracassant à la fois, pensez fumette et cocktail Molotov. Le beat s’installe en douceur, porté par des nappes de claviers qui rappellent le hip-hop old school, agrémenté de samples et de scratch éclatants. Mais très vite, la section de cuivres (saxo, trombone, trompette, tuba) fend l’espace et perce le mix comme un rappel au réel avec une montée en tension aussi urgente que raffinée. Avec le PEUPLE, la révolte est feutrée mais jamais passive.

Avec "History Goes", le ton se durcit, la machine se cabre. On quitte l’ambiance décontractée du premier titre pour entrer dans une zone plus industrielle, bien plus frontale. Ici, la révolution se consume en loops électroniques, tranchants au possible. Chaque séquence semble découpée au scalpel, chaque boucle tourne avec l’obstination d’un engrenage bien huilé, jusqu’à l’obsession. On ne se laisse jamais enfermer dans une seule direction alors, dès "Judge Not", c’est un autre front qui s’ouvre, plus organique, plus spirituel aussi. L’influence reggae-ragga y est flagrante : basses rondes, skanks en contretemps et flow patoisé qui vient invoquer Babylon, éternel symbole de l’oppression et de la corruption pour les Rastafari. Le riddim chaud tourne comme une prophétie rasta pendant que les cuivres brillent en s’inscrivant dans la grande tradition reggae.

On écoute ensuite "Traces", un morceau à la vibe complètement cinématographique, superbement habité par cette respiration cuivrée et gentiment jazzy qui ne s’arrête presque pas ; puis, « The Fall » flotte, plane et s’élève au-dessus du bitume (oui, tout ça) avec une production trip-hop énormissime. Une chanson insistante, qui pèse lourd dans ce disque, grâce à ce beat noir et oppressant où les percussions martèlent une vérité que le monde préfère ignorer. J’adore cette surenchère de riffs balancés sans effet de manche tout en dégainant une profondeur saisissante, comme quoi l’engagement ne passe pas uniquement par la force mais aussi par la beauté des formes.

"Quai n°8" arrive comme un départ précipité, un trip ferroviaire lancé à pleine vitesse sans billets de retour. Il y a l’urgence et l’attente fébrile dans cette rythmique trip-hop industrielle aux pulsations régulières du train fantôme, avec cette finesse propre aux instrumentales qui veulent raconter une histoire. En arrière-plan, les cuivres veillent, tapis dans l’ombre et injectent du drame dans ce décor gris. Sur "Plastic People", le PEUPLE déploie une ambiance marching band/big band bien perchée où les cuivres s’en donnent à coeur joie et explosent en fanfare sur des samples déjantés pendant que le texte dénonce le capitalisme ambiant (Plastic people, I said it again/Plastic people on the route of all evil).

Pas de conformisme musical pour le PEUPLE même si leur signature réside dans cette tension qui accompagne l’album de bout en bout. L’électro froide et nerveuse prend les commandes de "Dopebeats" avec une rythmique très resserrée, puis c’est "Viva La Revolución" qui lève le poing en l’air, toujours avec un sampling de génie. Dans cette angoisse sonore, la musique s’avance, droite et militaire ; et ça se poursuit même dans "Riddim Collision" avec une autre forme de résistance. Un beat dub plus lent mais tout aussi déterminé avec des percussions lourdes et les cuivres - majestueux et flottants - qui viennent auréoler le morceau d’une brume cosmique. Pas besoin d’aller vite quand on sait où on va. Un morceau au groove génial, qui fonctionne comme une drogue dure administrée par voie auditive, la marche calme d’un PEUPLE en colère mais qui ne s’essouffle jamais.

Nos dealers de rythmes terminent avec "Free Degree" et "Yep Afini", deux titres qui referment l’album sans baisser la garde, comme un dernier salut à cette odyssée sonore militante. Dans "Free Degree", les univers se télescopent dans un fracas contrôlé sans renier l’ADN du PEUPLE : un son libre, frondeur et profondément musical. Ici la vibe est d’apparence plus aérée mais il n’en est rien. Le beat hip-hop saccadé joue des coudes avec une atmosphère, des riffs de guitare et une batterie nerveusement rock tandis que les cuivres smooth soufflent cette idée de liberté tels de fidèles alliés de la narration. Et finalement "Yep Afini" arrive comme un clin d’oeil au point de départ, une boucle bouclée. Une postface aux airs décontractés, mais il ne faut pas s’y tromper. Derrière cette nonchalance en trompe-l’oeil, le PEUPLE DE L’HERBE affûte ses dernières armes et ce groove si particulier du groupe. La construction du morceau fait penser à un générique de fin hallucinant, dub, perché sur lequel les cuivres aux inflexions jazzy lancent leur dernier cri de guerre. Bref, très, très stylé.

On n'a jamais été, avec le PEUPLE DE L’HERBE, dans la musique de divertissement, ni dans celle des foncedés passifs car tout dans leur musique invite à réfléchir. Le son du groupe a toujours eu pour but de réveiller, d’éveiller et Radio Blood Money, plus que jamais, est la bande-son d’une résistance. Une résistance qui frappe et qui pense. Dans cette révolution, Radio Blood Money se compose avec une violence contrôlée. L’électronique trip-hop du PEUPLE DE L’HERBE gagne en complexité tant les cuivres conquièrent un territoire magique - celui où leurs interventions agissent comme un hymne à la liberté. Un disque qui résonne encore aujourd’hui comme une sirène puissante contre l’anesthésie des masses, et tant que ça résonne, le combat continue.

A lire aussi en TRIP-HOP :


NEARLY GOD
Nearly God (1996)
Ochlophobie relative




Emiliana TORRINI
Miss Flower (2024)
La petite fleur islandaise


Marquez et partagez





 
   ARCHANGEL

 
  N/A



Non disponible


1. Yep!
2. History Goes
3. Judge Not
4. Traces
5. The Fall
6. Quai N°8
7. Plastic People
8. Dopebeats
9. Viva La Revolución
10. Riddim Collision
11. Free Degree
12. Yep Afini



             



1999 - 2025 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod