En 1955, Yves MONTAND publie un album, sans fard, sans titre enjoliveur Y. Montand, deux initiales, un nom, rien de plus. Pour cela, il s’accompagne de Bob Castella et son orchestre. Ce disque est un reflet brisé, miroir d’une société fatiguée chantée sur des airs tantôt mélancoliques, tantôt tendres et rythmés parce que MONTAND l’incarne très bien, toujours, il faut continuer à chanter.

Les premières mesures de l’album s’installent avec "Faubourg Saint-Martin" dans un balancement, porté par un accordéon dansant qui raconte autant de que les paroles. MONTAND pose sa voix doucement, comme s’il parlait à quelqu’un qu’il connaît depuis toujours. Elle flâne dans le faubourg. Et, "Mon Pot’ Le Gitan" surgit comme une rencontre au détour d’une rue. La guitare y glisse des accords rythmés, exotiques. MONTAND, lui, chante avec chaleur. Un joli hommage, une tape sur l’épaule, une certaine loyauté. Et voilà que la "Neige Sur La Ville" entre dans la danse. La chanson est presque cinématographique, tant sa mise en musique tient du décor. Le piano joue des notes éparses, suspendues, comme des flocons. Tout virevolte, la voix, avec sa pointe de nostalgie, le décor, la musique et c’est joliment réussi.

C’est alors que résonne "La Goualante Du Pauvre Jean", comme un sursaut, dont le rythme revient à un trois temps populaire, à mi-chemin de la valse et de la complainte de rue. Le piano entraîne, c’est une chanson qui marche, qui claque, MONTAND retrouve un peu de gouaille. Ce sont les accords nus d’une guitare qui accompagnent "La Tête À L’ombre" dans une lenteur certaine. Qu’importent les airs, MONTAND, toujours, est tendre lorsqu’il chante. Il déploie ensuite le texte limpide de "Je Soussigné". C’est une chanson qui s’écrit en même temps qu’elle se dit. Le ton est sobre, la voix assurée, mélancolique. Le piano épouse les mots avec précision. Et cela suffit. Il faut alors une respiration avant que "Cœur De Mon Cœur" ne continue avec cette même veine fragile et languissante. Une chanson qui parle de l’amour sans exagération, sans envolée, avec ce ton qui lui appartient. C’est une pause, un moment intime entre voix et guitare, une lumière tamisée et cette douceur est précieuse. En guise d’au revoir, il nous offre "La Ville Morte". Réduite à quelques notes d’un piano cotonneux, les mots se vivent et se respirent plus qu’ils ne chantent. Une histoire à raconter, une atmosphère et dans cette ville morte, il reste, seul, la voix de MONTAND.

Ici, il signe peut-être son disque le plus intime et épuré jusqu’alors. La musique est peu démonstrative et s’éloigne des bals musettes. Le piano et la guitare sont à l’honneur, toujours discrets, toujours justes. Un disque de l’ombre mais profondément lumineux par ce qu’il éclaire en nous.