En 1958, Yves MONTAND publie Dix Chansons Pour L'Été, un titre qui évoque la promesse de lumière, de douceur d'instants volés à la routine. Ainsi, il nous propose un été mouvant, urbain parfois, champêtre à d'autres moments, toujours humain. MONTAND y conjugue ce qu'il sait faire de mieux : la poésie du quotidien et l'élégance de l'interprétation. Derrière la simplicité apparente des chansons, l'on sent un travail d'orfèvre et une intelligence musicale.

Le disque s'ouvre sur une ombre légère, "L'Assassin Du Dimanche". Quelle entrée en matière douce ! Un morceau ensoleillé où MONTAND choisit l'ironie noire. Tout est chanté avec une allure décontractée, presque rieuse. Le piano et l'accordéon y valsent en rythme. À peine ce sourire refermé que la promenade continue avec "Quand On S'Balade". Ici, le pas devient plus souple encore, la voix se fait flâneuse. C'est une chanson de la balade amoureuse, bras dessus bras dessous, avec le ciel et un piano sautillant comme seul horizon. Les mots sont simples et c'est cela qui charme. MONTAND sait donner à ces petites scènes une vérité désarmante : on sent les pavés sous les pieds, le joueur de guitare au coin de la rue, la lumière qui glisse entre les arbres. Il n'a pas besoin de forcer le trait, il suffit de l'écouter respirer pour que l'image prenne corps.

Il reprend "Mon Manège À Moi", chanson immortalisée par PIAF avant lui. MONTAND la fait sienne en lui donnant un balancement plus langoureux, un sourire ou un clin d'?il dans la voix, quelques mots parlés et narrés ici et là, qui n'appartiennent qu'à lui. Une légèreté espiègle s'installe, on est dans la séduction subtile, le charme tranquille. Les cuivres jazzy ajoutent un éclat de fête foraine, un parfum de fête populaire qui s'attarde, tout virevolte avec élégance. On tourne, on s'étourdit et c'est grisant, comme s'il invitait l'auditeur à monter dans ce manège juste pour le plaisir de tourner un peu. Retour à la valse, avec "Monsieur Petit Louis". Voilà un registre de portraits tendres et cocasses. Louis, c'est le personnage qu'on croise, une silhouette modeste mais attachante. L'accordéon valse dans ce petit film et MONTAND en est le narrateur complice capable de glisser un sourire ou une touche de noirceur mélancolique derrière chaque mot. L'arrangement souple et malicieux ajoute une jolie touche de comédie.

Puis surgit "Rendez-Vous De Paname", véritable déclaration d'amour à Paris. Une ville faite de rendez-vous manqués et de ponts qui s'embrument. MONTAND, flâneur impeccable, y chante comme on s'adresse à une vieille amie avec tendresse et ironie mêlées. La voix, une fois de plus, est élégante et la valse respire l'air dans un mélange d'agitation et de langueur. C'est une fois de plus attendrissant. On quitte un peu l'accordéon bien franchouillard pour les cuivres et les cordes un brin exotiques avec "Planter Café". C'est charmant et tout en douceur. Le titre délicieux "La Fille Du Boulanger" qui fleure bon la chaleur des villages. On se retrouve très vite au c?ur d'un arrangement entraînant comme une fête de village.

Dans "Tu R'Passeras", il y a un mélange d'attente et de désinvolture. La musique en trois temps donne à la chanson une souplesse qui empêche toute amertume. MONTAND raconte une nouvelle scène et s'affirme, bien qu'il joue la carte de détachement tendre. Toujours narrateur, vient ensuite "Pour Pierrette Et Pierrot". Ici, c'est la veine poétique et attendrie qui domine. Une petite vignette sentimentale, douce et fragile. La musique, légère, presque fragile, renforce cette impression de simplicité désarmante. L'on clôt sur un trois temps jazzy et plein d'entrain. Les cordes tremblent en accompagnant avec justesse l'interprétation. Cela donne une touche finale ensoleillée à ce disque.

Au fil de ces dix chansons, MONTAND fait de la légèreté un art sérieux. Derrière l'insouciance apparente, il y a beaucoup de précision, une science du rythme, une intelligence des mots et cette voix qui sans chercher l'effet trouve l'émotion. Dix Chansons Pour L'Été, c?est une saison entière en dix tableaux parfois rieurs, parfois tendres, parfois teintés d'ombre. Un disque à écouter en laissant entrer un peu de soleil, un peu de vent, et beaucoup de vie.

Note : 3,5/5.