Rentrée 2025 chargée pour Alissa WENZ, entre son troisième roman Le Désir Dans la Cage et son deuxième album (quatrième si on compte les live). Par rapport au prédécesseur Je, Tu, Elles paru il y a trois ans, déjà un premier effort studio remarquable, le nouveau appelé Voleuse offre quelques différences bienvenues pour ceux qui avaient déjà été bien charmés par l'artiste bretonne, diplômée de la Femis, si prometteuse en images colorées et mouvementées en chanson.

Néo-gavroche, le terme paraît vulgaire et un peu facile, mais cela pourrait tout à fait correspondre, étant donné l'âme populaire qui se dégage et le maniement du verbe souvent relevé aux arômes de pavé ou de bitume, sans la caricature d'un Gauvain SERS. Avec le précieux collaborateur Olivier Philippson aux arrangements, la Bretonne Alissa WENZ semble aller toujours plus loin dans son talent. Voleuse est de ces forêts touffues que l'on souhaite explorer, un album de chanson française dont on aimerait qu'il ne soit pas limité au rayon indé.

La chanteuse exprime un décalage avec une trop grande organisation quotidienne sur "Les Gens des Gares", en accords blues et guitare western pour le solo, avec une cymbale roulante et un cajón qui reviendra souvent. De même pour les tournures textuelles qui nous happent vite dans ce mélange parlé-chanté. Les onomatopées d'excuses pleuvent sur "Pardon" et la voix d'Alissa WENZ n'est pas sans évoquer la pop des années 60. Plus loin, "Voleurs de Feu" rapproche deux personnes défavorisées dans leur univers de rue en pleine nuit enamourée, tandis que "Rue du Départ" symbolise clairement l'échappée.

C'est avec "Ulysse" que le ton monte à tous les niveaux, entre colère du peuple et violences policières sur fond de gris parisien. La guitare et les claves portent le tout, tandis qu'aux côtés du violoncelle, le saxophone ténor jazzy vient créer la surprise. C'est d'ailleurs la différence fondamentale avec le premier album encore très 'clarinette' : ce nouvel instrument remplaçant, quoique toujours en douceur, est omniprésent ici. De quoi se prêter fort bien à un "Qu'est-ce Que Tu Fais" sanglant et quasi punk sur les réactions de tout-un-chacun face aux maltraitances diverses constatées, au rock latino de "Vivants" tout en contestation face au système.

La guitare de Philippson elle aussi épouse des ambiances plus 'crunchy' tandis que l'accordéon apporte quelques éléments d'une autre époque, notamment lors de belles accalmies nécessaires à ce "J'ai Tellement" de bravoure. Un titre très au féminin blessé, sur la défensive quand une nouvelle relation amoureuse doit commencer, qui convie à la patience. Le sax de Michel Goldberg s'y fait menaçant alors que WENZ débite des couplets-marathoniens, mais les refrains créent cette tempérance tout aussi forte.

Une écriture bien sentie et un ensemble musical dense en somme, à l'instar de "Musidora" qui réveille les ombres du cinéma d'antan, sans couleurs et sans dialogues, même en ces années 1910, mais avec des personnages forts comme cette femme fatale, Irma Vep incarnée par l'actrice Jeanne 'Musidora' Roques. Les manières des temps anciens, fondées sur la politesse, s'opposent à la modernité trop débridée sur "L'accoudoir", tandis qu'Alissa WENZ critique sur "Tu As le Droit" le fait que contrairement aux enfants, les adultes, sociétalement, n'auraient pas le droit de pleurer. Sans être un chef-d'oeuvre, ce disque est riche, fort plaisant et mérite droit de cité.

Note réelle : 3,5