Recherche avancée       Liste groupes



      
FOLK  |  STUDIO

L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

2025 Les Amours De Seconde Main
 

- Membre : Fred Pellerin
- Style + Membre : Les Cowboys Fringants

Jean-francois PAUZE - Les Amours De Seconde Main (2025)
Par GEGERS le 6 Octobre 2025          Consultée 829 fois

"Je me voyais finir avec les Cowboys à 75 ans, à jouer nos vieux succès et à prendre une petite bière l’après-midi dans un festival. Évidemment, la vie a fait en sorte que notre projet s’est terminé de façon un peu dramatique."

On fait silence. On se concentre. On ferme les yeux, même. On dédie toute notre attention à cette écoute. Car Jean-François PAUZE prend la parole, et sa parole est précieuse. L'auteur et compositeur des COWBOYS FRINGANTS aurait pu faire le choix de se taire après le décès, fin 2023, de son camarade Karl Tremblay, le chanteur du groupe. Il aurait pu se reposer sur ses lauriers et récolter les fruits d'une carrière longue de 30 ans. Mais voilà, si le bassiste Jérôme Dupras est un universitaire émérite, si la multi-instrumentiste Marie-Annick Lépine est gérante d'une salle de spectacles, le musicien quinquagénaire n'avait pas d'à-côté, d'autre passion ou activité qui lui aurait permis de faire le deuil de sa carrière d'interprète. Et puis, il aurait été dommage que s'éteigne le flambeau de cet artiste unique, porteur d'une universalité bienveillante, témoin privilégié des travers de ce monde post-moderne qu'il chante sans fard, mais toujours avec poésie. Et puis, comme il l'explique au micro de Catherine Brisson pour le média québécois 98.5 : "La seule chose que je sais faire dans la vie de peut-être un peu mieux que les autres, c'est écrire des chansons."

Sans porte-voix, il ne reste plus à Jean-François PAUZE de devenir son propre interprète. Avec les COWBOYS, J-F chantait parfois ("Le Temps Perdu", "La Ballade De Jipi Labrosse", "Vie Et Mort De Gina Pinard", entre autres), mais il était le plus souvent un artisan des harmonies, oeuvrant à la tierce, à la quinte, pour servir la gouaille de son ami Karl. Sur son premier album, le musicien assume pleinement ce rôle, et nous laisse à découvrir une voix un peu rauque, un peu éraillée, capable de sons insoupçonnés malgré un coffre limité. Un rôle nouveau pour lequel J-F a été mis en confiance par les réalisateurs et arrangeurs Gus Van Go et Daniel Lacoste, auxquels il a accordé une nouvelle fois sa confiance. Car si le nom sur la pochette a changé, le contenu est marqué par la réunion de plusieurs membres de la famille COWBOYS FRINGANTS, parmi lesquels Steve Gagné ou encore le batteur Pierre Fortin. Si de nouveaux venus participent à cette carrière naissante (l'accordéoniste Jean-Sébastien Fournier, le bassiste Pierre-Olivier Gagnon, la violoniste Kendel Carson), Jean-François n'a pas chamboulé son univers, et nous donne ici l'impression de rentrer à la maison.

"C’pas vrai qu’on r’fait sa vie
C’est d’la bullshit
On pleure pis on s’essuie
Ça continue, that’s it !" ("La Route du Nord")

Un premier album, donc, mais différent, celui d'un artiste qui n'a plus rien à prouver, et qui s'inscrit pleinement dans la continuité de son répertoire passé. Si les arrangements se font parfois un peu plus légers et moins foisonnants que ceux des albums récents des COWBOYS, on retrouve la plume acérée de J-F, qui use à plusieurs reprises de ses paronomases qui ont fait sa réputation : "société de consumation" ("Le Clash"), "l'horreur est humaine" ("Ballon-sonde"), "draguer le fond de la Mer des Sarcasmes" ("Fond d'pichet sale de sangria"). Les images sont fortes, et les sujets sont abordés sans faux-semblants. "Puisqu'il Faut" ouvre d'ailleurs l'album comme une locomotive, avec ses guitares vigoureuses et des mélodies puissantes, qui s'installent dans la continuité des travaux passés de J-F. Cette ode à l'abnégation, portée par un refrain repris en chœur, fait preuve d'une poésie à la fois légère et fataliste, réminiscence de l'époque de l'album Octobre. Plus loin, "Le Clash" se fait un nouveau constat mordant de l'époque. Le violon n'est pas celui de Marie-Annick Lépine, mais il est bluegrass, folk, et surtout très entreprenant sur ce titre puissant dont le texte est fortement marqué par les dérives autoritaires qui souillent le monde, notamment du côté d'un voisin nommé Trump. Un titre-western sombre et énergique, et un des grands titres de l'album.

Celui-ci n'en manque pas. Notons "Fond d'pichet sale de sangria", titre folk minimaliste, avec la guitare sèche en moteur, agrémentée d'un accordéon complémentaire, histoire d'un destin brisé mais philosophe qui noie sa déception dans les spiritueux, avec une bonne dose d'humour et d'espièglerie. J-F marche ici dans les pas de son idole RENAUD, et nous touche au cœur. L'artiste dresse des portraits souvent tendres, et tel un peintre, réalise des toiles empreintes d'un réalisme désabusé, duquel se dégage toujours néanmoins une note d'espoir ("Un Chez Toi"). Il y a toujours du poids dans la légèreté, du sens dans l'anodin, et c'Est-ce qui fait la richesse du répertoire textuel de J-F, qui navigue ici dans des eaux résolument country-folk, un harmonica prenant parfois le premier rôle là où les COWBOYS auraient eu recours au violon ("Les Amours de Seconde Main"). L'univers de J-F, ce sont ces destins qui se croisent, fusionnent et partagent un bout de chemin. "Emmêlé dans ses Cheveux" en est un formidable exemple. Comme sur "La Catherine" ou "Suzie Prudhomme", l'artiste propose ici le portrait d'une femme forte, ballotée par la vie, fragilisée par ses excès et ses mauvais choix, mais qui voit la lumière au bout du tunnel. Musicalement percutant, sorte de folk dont l'intensité monte comme pour décupler l'intensité de ce récit initiatique, le morceau s'impose à notre surprise et finalement de lui-même comme le grand-œuvre du musicien sur cet album.

"C’est comme la vie, c’est comme la mort
On sait pas trop d’où ça sort
Mais y’en a pour qui c’est plus fort
Sont nés pour être des météores" ("Emmêlé Dans ses Ch'veux")

Et puis, il y a le deuil. Sans jamais nommer son ami Karl, J-F s'adresse directement à lui sur deux morceaux. Le premier est "Ballon Sonde", qui intègre le chagrin dans un portrait désabusé de l'époque. Le morceau balaye le spectre des maux qui touchent notre monde pré-apocalyptique, et se voit musicalement enrichi par ce folk-rock entraînant et accrocheur. En toute fin d'album, "La Route du Nord" prend un angle plus intime, titre guitare-voix porté par une mélodie authentique, mettant en exergue les fissures dans la voix du musicien qui livre ici une formidable conclusion à un album bariolé.

Car l'humour, bien sûr, est toujours présent, vissé au corps d'un artiste dont l'œil pétille. "Simplicité Volontaire", portrait social tendre d'une oisiveté forcée, se fait un morceau percutant porté par un harmonica sautillant et un violon entreprenant. La voix de J-F se fait ici volontairement saturée, ce qui renforce son impact. Rempli de québécismes, ce titre évoque les premières années des COWBOYS, et bénéficie d'une maturité artistique qui permet de structurer ce joyeux bordel. Si "Sudbury", du nom de la plus grande mine de nickel au monde, se fait plus convenu, il serait dommage de passer sous silence "Bisou", titre léger et désabusé, évoquant cet homme vivant au cœur d'un triangle amoureux dont il ne sait rien. Un titre piquant et savoureux.

Difficile, bien sûr, de ne pas entendre l’absence de ses compagnons de route, cette bande soudée qui donnait aux COWBOYS leur souffle inimitable. Mais Jean-François PAUZE trace ici une ligne claire : celle d’un artiste qui n’a plus rien à prouver, mais qui refuse fort heureusement de se taire. Ses mélodies conservent ce mélange de rudesse et de tendresse, sa plume reste aiguisée, ses fulgurances textuelles intactes. Et si l'on n’attendait pas de lui un nouveau "L’Amérique Pleure" ou un autre "Plus Rien", on découvre pourtant avec "Emmêlé dans ses Ch'veux" un titre générationnel qui semble voué à dépasser l'intention initiale de son géniteur. Cet album n’a rien d’un simple appendice à la fin d'une carrière bien fournie : il s’impose comme un point de départ, celui d’un musicien contraint à la solitude mais qui trouve encore la force de chanter car, au fond, c’est sa manière à lui de tenir debout.

A lire aussi en FOLK par GEGERS :


Brandi CARLILE
Live At Easy Street Records (2007)
Une caresse, une claque




RUNRIG
Heartland (1985)
L'Ecosse au coeur


Marquez et partagez







 
   GEGERS

 
  N/A



- Jf Pauz?? (chant, guitare, harmonica)
- Daniel Lacoste? (guitare, mandoline, banjo)
- Pierre Fortin? (batterie, percussions)
- Pierre-olivier Gagnon? (basse)
- Jean-s?bastien Fournier? (piano, accord?on)
- Steve Gagn?? (ch?urs)
- Kendel Carson (violon)
- Fiachra O?regan (cornemuse)


1. Puisqu?il Faut
2. Ballon-sonde
3. Fond D?pichet Sale De Sangria
4. Un Chez Toi
5. Le Clash
6. Simplicit? Involontaire
7. Les Amours De Seconde Main
8. Bisous
9. Sudbury
10. Emm?l? Dans Ses Ch?veux
11. La Route Du Nord


             



1999 - 2025 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod