Après l’excellent 10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1 (1982) qui marquait l’arrivée à maturité du groupe, et ses premiers succès dans leur Australie natale, ce Red Sails In The Sunset marque les débuts de la reconnaissance internationale et surtout l'aube de la période dorée de la bande à GARRETT. Sur cet album, la maturité se trouve confortée par la confiance dont le groupe semble être habité. C’est simple, ils osent tout, et de ce fait, produisent ce qui est certainement leur album le plus étrange, le plus expérimental et le plus complexe.

On passe ainsi du rapisant "When The Generals Talk", à l’épique "Jimmy Sharman's Boxers", en passant par le fugace "Bakerman" et son ambiance de 'Marching band', à "Helps Me Help You" qui, au-delà de son introduction au didgeridoo, ressuscite le Rock ‘n Roll US des early 60’s. On peut également évoquer la Pop, avec le superbe "Sleep", ainsi que des morceaux plus proches du style Rock punkisant / Rock dur typique de MIDNIGHT OIL à l’instar de "Best Of Both Worlds" et "Kosciusko". Le groupe cherche, expérimente, et explore différents styles, mais pour ambitieux qu’il soit, ce disque reste cohérent. De ce fait, il est parfois considéré comme étant 'l’album blanc' de MIDNIGHT OIL, en référence au double disque touche à tout des BEATLES. Le seul fil rouge reste l’énergie, la rage presque, dont le groupe fait preuve, aussi bien dans sa musique que dans ses paroles.

Si la pochette du disque, une vision de Sidney après un incident nucléaire, confirme l’attachement du groupe à des valeurs liées à la préservation de l’environnement, les thèmes abordés ne se limitent pas à ce sujet. En effet, alors que son prédécesseur était un album thématique largement axé sur la peur de la menace nucléaire et des armes en général, le présent disque présente un éventail de thèmes bien plus large, qui vont de la défense des droits des peuples opprimés à la critique des travers de nos sociétés modernes. Le nucléaire est toujours présent, mais plus sous l’angle des conséquences d’un incident ("Who Can Stand In The Way", et "Harrisburg" qui est le nom de la ville où eut lieu l’incident de Three Mile Island en mars 1979), que celui du rejet de la course à l’armement. A cet effet, le disque comporte des illustrations assez réussies de raz-de marée et de Kangourous perchés sur les restes de l’Opéra House, l’un des symboles de l’Australie.

Ainsi avec "Jimmy Sharman's Boxers", nous pénétrons dans une sorte de 'Freakshow' itinérant où les aborigènes sont exploités dans de violents combats de boxes rythmés par la batterie phénoménale de Robert Hirst. Ce, avec en filagranne la mise en exergue d’un voyeurisme qui préfigure un peu les travers des émissions de TV reality. "Bells And Horns In The Back Of Beyond" est une ode au respect de la nature, alors que "Sleep" nous confronte aux difficultés des sans-abris. Quant à "Helps Me Helps You", c’est une vibrante critique du développement du matérialisme et de l’égoïsme.

Mais il serait injuste de réduire MIDNIGHT OIL à son discours militant.
Le groupe sait faire parler la poudre et exprime sa rage primaire avec intelligence et ironie. Porté par le sens artistique et les talents de compositeurs de Robert Hirst (batterie, et chant sur "When The Generals Talk") et James Moginie (guitares, claviers), mais également par un chanteur habité, Peter Garrett, qui insuffle aux morceaux force de conviction et rage, le groupe est alors l'incarnation du Rock.