Eté 1983 : je me pointe la gueule enfarinée à la FNAC Montparnasse pour dépenser les quelques sous gagnés lors d'un laborieux job d'été. Je fonce à mon rayon préféré et là je tombe sur une improbable pochette rouge sang arborant fièrement un nom jamais vu ni entendu : METALLICA.

J'ai dû me dire qu'ils étaient bien gonflés, ces ricains, prétendre par leur nom incarner un courant entier qui connaissant déjà bon nombre de dieux, les britanniques en tête. Mais un je-ne-sais-quoi (peut-être le look du groupe) me décide à tenter le coup et à acheter l'album, habitué aux prises de risques sur un coup de coeur visuel (Enfer Magazine est à ses balbutiements et Wango-Tango n'avait pas toujours le temps d'avance requis).

Inutile de vous dire que de retour chez-moi, après avoir posé la précieuse acquisition sur ma platine, la baffe reçue fut mémorable. Tout, il y avait tout dans ce disque pour scotcher le jeune amateur de Heavy que j'étais alors devenu : des riffs, des rythmiques d'enfer, de la mélodie, de la furie, une énergie de malade, et évidemment des références plus que marquées à ma chère NWBHM, et notamment MAIDEN dont l'ombre géante plane sur presque tous les meilleurs moments du disque.

Mais METALLICA poussait alors tout un peu plus loin, la vitesse, les riffs à tiroir qui allaient devenir sa véritable signature, l'agressivité de la basse, le rôle moteur de la batterie, les solos hyper speed, l'agressivité du chant. On ne le savait pas encore, mais le THRASH était né, et METALLICA serait son seigneur.

Que dire encore sur ce disque ? Qu'il est souvent juvénile et imparfait ? Que la voix de James se cherche encore (et elle ne mettra pas longtemps à se trouver) ? Que les influences britanniques prennent encore parfois le pas sur la personnalité du groupe, que certains titres sont un peu brouillons ? En fait de tout ça, on s'en fiche bien tant l'opus est mémorable et inattaquable.

Même le temps ne vient pas à bout des tueries que sont "The Four Horsmen" et "Phantom Lord", toutes deux dotées d'un fantastique break à la MAIDEN. "Seek & Destroy" démontre la capacité des Californiens à composer des titres totalement addictifs, "No Remorse" est une masterclass de riffs au cordeau, marquée par une complicité géniale entre la guitare de James et la basse de Cliff, alors que "Motorbreath", aussi simple et évident que possible, est d'une efficacité démoniaque. Les titres d'ouverture, "Hit The Lights", et de fermeture de l'album, "Metal Militia", sont de véritables professions de foi où nos jeunes héros clament leur foi et leur inébranlable confiance en leur destin.

Cet avenir, on le sait, allait peu à peu devenir glorieux puis légendaire, et ce premier opus est une véritable bombe, de celles après lesquelles plus rien ne peut être tout à fait comme avant.
Pour toutes ces raisons, et pour toute les émotions qu'il m'a apportées, il mérite indiscutablement la note maximale.