On avait bien compris avec la pochette vaguement science-fictionnaire du premier album que là n'allait pas être un des points forts du groupe. Voyez-en donc l'éclatante confirmation avec cette deuxième image bien pauvrette. Bref, on ne va évidemment pas s'arrêter là. JOURNEY a heureusement des arguments à faire valoir, et notamment des instrumentistes de haute volée formés chez les plus grands – SANTANA, ZAPPA -. On constate aussi qu'ils ne sont plus que quatre, le second guitariste Tickner ayant déjà tiré sa réverence.

Le chanteur claviériste Greg Rolie s'est pointé avec deux compositions sous le bras pour cette nouvelle livraison : "On a Saturday Nite" est le premier single à tirer profit de la nouvelle notoriété du groupe, plus tout à fait confidentiel, piano de rigueur et guitares grasses, sur des couplets pop. L'AOR est bien là et s'écoute sans déplaisir ! "Anyway" me paraît plus fragile, oscillant entre velléités progressives et pop, avec des accès hard-rock guère folichons qui rappellent un brin UFO époque space.

Surprenant, nous voici face à une reprise plutôt méconnue des BEATLES, une composition de George HARRISON tirée du sous-marin jaune intitulée "It's All Too Much". Ok, mis à part ATN et Long John Silver, personne ne s'en souvient bien sûr ! L'analyse est donc intéressante : on reconnaît le ton un peu laidback des chansons du quiet BEATLE, quelques aspects plus progressifs que pop et l'habileté coutumière de Neal pour remplir tous les vides avec des soli de guitare d'outre-espace, mais pas de quoi faire sauter les bouchons de champagne !

"She Makes Me" est le deuxième single de cette année 76. Le titre est cette fois de Neal SCHON qui assume à cette occasion le job de leader du groupe, une position qu'il va garder pour toujours. Cette fois, c'est pêchu avec un riff sympa et une identité bien hard sans être révolutionnaire. L'éponyme "Look Into The Future" est franchement longuette. Ce titre à tiroir ne nous sort jamais réellement de l'ennui, si ce n'est comme d'habitude lors des fort belles interventions de Neal SCHON, mais cela ne fait pas une composition. Plus véloce et rock, "Midnight Dreamer" est peu originale, même si la jam jazzy centrale se laisse bien écouter.

Les deux chansons restantes sont signées des deux guitaristes Neal et son collègue George Tickner, écrites peu avant son départ. La construction de "You're On Your Own" m'évoque à nouveau UFO ou BLUE ÖYSTER CULT, l'aspect chevauchée et les breaks bluesy, sans atteindre au talent des extra-terrestres sur "Love to Love" ou "Veteran of Psychic Wars" par exemple, mais cela reste très sympa. Enfin, "I'm Gonna Leave You" ne se signale que par quelques digressions jazzy fusion.

L'opus me paraît fragile. JOURNEY n'a clairement pas encore délimité son champ d'investigation et hésite entre progressif, pop, rock hard même, par moment. Le seul dénominateur qualitatif de cet album réside dans les interventions de guitare de Neal SCHON. Je ne suis en revanche que peu séduit par le timbre de voix de Greg Rolie alors que la section rythmique est, elle, inexpugnable. Il va falloir évoluer pour trouver le succès, c'est l'évidence ! Nous sommes sur un 2,5 que je descends sournoisement à un 2 sévère, la faute au manque d'unité de l'album, mais tachez d'écouter "You're On Your Own" avant de partir.