AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Parmi les derniers films DISNEY (depuis, disons, dix ans et La Reine des Neiges), les meilleurs, naturellement ceux sur lesquels Pixar n'a pas trop déteint, se font rares, et parmi ceux-ci, aux côtés de Vaiana (2016), on compte facilement une autre princesse : Raya et le Dernier Dragon (2021). Mises à part quelques facilités et les deux marques règlementaires d'humour scato pour faire rire les enfants en bas âge ou non, il n'y a pas grand-chose à redire concernant ce long métrage d'animation qui a subi plus, que les autres, les problèmes de masse (années Covid obligent), les passages de mains entre réalisateurs/scénaristes qui abandonnent ou qui tiennent.

L'idée d'une géographie fluviale avec la forme de dragon est excellente pour parler de cinq royaumes opposés entre eux, unis par une entente fragile jusqu'à ce qui semble le point de non-retour, et de Raya, fille d'un des chefs qui va tenter de réunifier tout ce monde. Ses aventures lui permettent ainsi de traverser des climats et décors différents, du désert à la ville inspirée du Japon ou de l'Asie du Sud-Est traditionnels. En tout cas, il y a de quoi appâter les amateurs de ces contrées lointaines, différemment du traitement réservé à Mulan (1998) et presque aussi noblement. Toujours un léger manque de finesse, notamment dans les personnages du bébé fille voleuse voire du dragon femelle Sisu (surtout, son doublage français par Géraldine Nakache), et puis ça y est, en 2021, DISNEY a bel et bien mis en place les 'nouvelles conventions' (entre autres, tous les doubleurs V.O sont forcément asiatiques d'origine, forcément, sauf Tuk Tuk, le tatou-monture de Raya qui ne parle pas mais fait des bruits).

Un qui ne correspond pas trop, c'est James NEWTON HOWARD, ancien habitué de la maison, environ vingt ans plus tôt (Dinosaure, 2000, Atlantide l'Empire Perdu, 2001 et La Planète au Trésor, 2002). L'écart n'est pas si grand, quand on sait qu'entretemps, aux alentours de 2010 cette fois, il s'était occupé de l'adaptation film avec vrais acteurs de la série animée Avatar, le Dernier Maître de l'Air, effort raté et laissé sans suite, que Raya aide à faire oublier dans son envie de coller à l'Extrême-Orient.

Ce qui marque particulièrement, quoique sans trop de surprises dans une histoire en grande partie 'héroïnes', c'est la profusion des voix féminines. D'abord bien sûr, la chanson habituelle pour DISNEY, jolie quoique sans grand relief ici (par rapport à d'autres), écrite et interprétée par la Californienne Jhené AIKO : "Lead the Way". Présentée au générique de fin, sur l'album de la B.O, elle est bien placée en exergue, au début, avant de laisser place à toute la créativité du maestro NEWTON HOWARD. À noter que ce film-là coupe court à toute tentative de rapprochement avec la comédie musicale. Précédant "Lead the Way", il n'y a que la courte mélopée de Raya invoquant le dragon Sisu dans la caverne, et le rap de cette dernière, obligatoire visiblement aujourd'hui lui aussi et heureusement bref par contre.

En revanche, pour faire écho aux chants nordiques et nasaux que l'on entendait au début de la Reine des Neiges (2013), Lori 'LOIRE' Cotler apporte, sur toute la longueur, ses vocaux faits de glossolalies inspirés des musiques indiennes du sud (Konnakol). On a déjà pu l'entendre notamment dans le dernier film X-Men (Dark Phoenix, 2019) sous la direction de Hans ZIMMER, et toujours avec celui-ci, en 2021, ils participent au premier Dune de Denis Villeneuve. La B.O de Raya et le Dernier Dragon, toutefois, n'a rien de secondaire. Dès le savant "Prologue" long de six minutes, bien que sauvagement coupé durant le résumé d'histoire narré en intro du film, on se laisse convaincre de l'excellence globale, faite d'éléments world donc, d'orchestre et d'électronique. En dépit, néanmoins, d'un son moderne large mais bien trop lissé, tendant à aseptiser le tout.

"Search for the Last Dragon", thème bref, est à lui seul témoin de tout ce que cette B.O peut amener d'agréable, de judicieux, en quelques sons bien choisis. La maestria de NEWTON HOWARD fait le reste : deux accords pour les cordes tirant sur la sensibilité de l'auditeur ("Into the Shipwreck"), une ballade faite des vocalises de LOIRE sous forme de sucrerie optimiste au parfum exotique ("Sisu Swims", mieux développée dans le film). Sans compter la noirceur bien exploitée, ce qui n'est pas forcément légion dans les blockbusters actuels, animés ou non. On parle là de "Storming Fang", l'attaque finale du Druun, nonobstant ses ruptures prévisibles, joliment saupoudrées des apports musicaux extrême-orientaux, ou encore du brumeux et formidable "Dragon Graveyard".

La suite finale "Return"/"A New World" reprend ce qui demeure le thème principal de Raya, déjà présenté timidement au cours de sa fausse amitié avec Namaari durant l'enfance, une mélodie en accords simples mais franchement idéale pour illustrer la réussite. Une valse optimiste menée par les cordes, avec toute la luminosité de l'orchestre, des choeurs de LOIRE comme ceux plus classiques des London Voices ; en somme tout ce qu'il fallait pour bien finir. Mention spéciale tout de même à l'ouverture ample au piano caressant de "A New World". Raya et le Dernier Dragon, un nouveau point honorifique à ajouter sur les pédigrées déjà bien remplis de DISNEY et du compositeur !