Recherche avancée       Liste groupes



      
JAZZ  |  STUDIO

Commentaires (1)
L' auteur
Acheter Cet Album
 

ALBUMS STUDIO

1961 Soft Winds

Dorothy ASHBY - Soft Winds (1961)
Par LE KINGBEE le 4 Mai 2024          Consultée 91 fois

Il a fallu que la harpiste américaine Brandee Younger vienne se produire à Paris pour que le nom de Dorothy ASHBY refasse surface par le biais de sites dédiés au Jazz. Décédée en 1986 et oubliée depuis encore plus longtemps, Dorothy ASHBY demeure l’une des principales virtuoses de cet instrument avec Alice COLTRANE, autre native de Detroit.

Née en 1932 au cœur de la Motor City, Dorothy Thompson débute par l’apprentissage du piano, instrument sur lequel elle accompagne son père, guitariste itinérant et grand amateur de Jazz. Au lycée, l’adolescente étudie la pratique du saxophone et de la contrebasse avant de bifurquer vers la harpe. Après avoir décroché son diplôme et envisagé une carrière dans l’enseignement musical, Dorothy se produit au piano dans les clubs de la ville, les petits ensembles étant réticents à l’emploi de la harpe, instrument ne rentrant pas dans les codes du Bebop. Elle rencontre le batteur John Ashby, de retour de Corée. Les deux tourtereaux se marient et se produisent en trio. Remarquée par le flutiste saxophoniste Frank Wess, l'un des protégés de Count BASIE, elle enregistre son premier disque en 1957 publié sous la bannière de Regent Records. L’année suivante s’avère plus fructueuse avec deux albums édités par le label Prestige, toujours en compagnie de Frank Wess.
Au début des sixties, le couple Ashby monte une petite compagnie de théâtre sous le nom de Ashby Players, John se chargeant des scriptes alors que Dorothy prend en main les compositions. Afin de meubler son temps libre, Dorothy revient brièvement à l’une de ses premières passions, l’éducation, en devenant éducatrice dans une école primaire, élaborant des programmes sur l’enseignement musical mais aussi sur la culture afro-américaine. La native de Detroit est également animatrice pour une radio locale proposant du Gospel, du Jazz et des musiques folkloriques.

En 1961, Dorothy ASHBY décroche un contrat avec Jazzland Records, une filiale de Riverside. Orrin Keepnews, producteur et patron de Riverside, décide de placer Dorothy sous la houlette de John Levy, un contrebassiste (ex-Stan GETZ, Erroll GARNER) qui s’est lancé dans la production. Enregistré à New-York en quatre sessions, les 15 et 16 août 1961, Soft Winds est marqué par la présence d’un trio totalement dévoué à la jeune harpiste. Alors qu’il débute dans la production, John Levy prend soin d’engager le contrebassiste Herman Wright (ex-Yusef Lateef) présent sur les deux précédents albums et accompagnateur attitré de Dorothy. La vibraphoniste Terry Pollard (ex-Terry Gibbs, Yusef Lateef) et le batteur Jimmy Cobb (ex-Dinah Washington, Miles DAVIS, Cannonball Adderley) complètent la troupe.

Si la pochette représente le quatuor avec une illustration floue, les instruments semblant voleter sous l’effet du vent, c’est bien la harpe qui est mise en évidence avec le sous-titre 'The Swinging Harp of Dorothy Ashby'. Autre détail, les noms des trois accompagnateurs figurent sous la ligne du dessous, ce qui laisse suggérer une entente cordiale entre les quatre musiciens.

Premier constat, contrairement à ses œuvres précédentes, Dorothy ne chante et ne joue pas de piano, les onze pistes n’étant constituées que d’instrumentaux. D’entrée, on est frappé par la symbiose entre les différents instruments avec "Soft Winds", un classique de Benny Goodman. Si la contrebasse et les balais jouent à la perfection leurs rôles de métronomes, la connexion entre le vibraphone et la harpe saute aux yeux (ou aux oreilles). Certes, ce n’est pas la première fois qu’un vibraphone intervient sur ce titre, mais l’assemblage harpe/vibraphone constitue un bonus inattendu. Une version aussi humble que juste, bien éloignée de la version chantée et terriblement ampoulée de Dinah Washington.
Issu du film Wild Is A Wind ('Car sauvage est le vent') de George Cukor, la chanson est ici typographiée avec une erreur de lettre. Il s’agit bien de la compo de Dimitri Tiomkim chantée à l’origine par Johnny Mathis. Les amateurs de Pop la reconnaitront sans peine, la chanson ayant été reprise par Nina SIMONE, David BOWIE ou George MICHAEL. Si le texte accentue le caractère mélodramatique de la mélodie, on peut lui préférer cet instrumental bien moins encombrant que certaines versions chantées. Grand classique de George et Ira Gershwin, "The Man I Love" a été repris à toutes les sauces aussi bien en versions chantées qu’instrumentales. Si Johnny Hodges en délivra en 1960 une version exceptionnelle, là encore derrière une rythmique aux petits oignons, l’interaction entre harpe et vibraphone joue son rôle à merveille, privilégiant la simplicité et le naturel. Pioché dans Lady In The Dark, une comédie musicale en provenance de Broadway, "The Ship" a lui aussi été mis au four et au moulin, la chanson donnant lieu à une kyrielle de reprises instrumentales ou chantées souvent alourdies d’instruments en tout genre. Là, le minimalisme du quatuor, une rythmique incroyablement métronomique, un vibraphone et une harpe qui n’ont de cesse de se relancer la balle apporte souplesse et confort. Dernier titre de la face A, "Love Is Here To Stay" propose une troisième incursion dans la besace des Gershwin et par voie de conséquence dans la valise hollywoodienne, la titre étant au générique de The Goldwyn Follies ('Hollywood en folie'), un nanar de George Marshall, et plus tard dans Un Américain à Paris de Minnelli. A l’instar des plages précédentes, l’interconnexion entre Terry Pollard, artiste honteusement sous-enregistrée, et ASHBY prend encore de l’ampleur. Par moment, la harpe s’émancipe, on croirait percevoir les arpèges de Kenny BURRELL ou Wes MONTGOMERY.

C’est encore par un clin d’œil à Broadway et Hollywood que débute la face B : "I’ve Never Been In Love Before" est issu de Guys And Dolls ('Blanches colombes et vilains messieurs'), pièce qui donne lieu au film du même nom avec l’excellente Jean Simmons. Si le titre a été repris par moult crooners et chanteuses officiant entre Jazz Vocal et Pop d’ascenseur, les nombreuses versions instrumentales ont souvent mis à l’honneur des pianos ou cuivres étincelants avec en arrière-plan des orchestrations boudinées ou mal dégrossies. La petite taille du quatuor permet de faire la différence, la contrebasse de Wright swingue et chante comme celle de Slam STEWART, les balais sont comme toujours aussi délicats qu’imperturbables tandis que vibraphone et harpe s’entendent comme larron en foire.
Seule compo, "With Strings Attached" s’emboîte parfaitement à l’ensemble. La contrebasse pleine de swing et les balayettes impriment toujours un tempo inébranlable dans lequel le vibraphone s’engouffre avec aisance. Avec "Laura", le quatuor s’offre une autre plongée hollywoodienne avec cette compo de David Raskin. Grand classique du film noir, Laura permettait à Gene Tierney d’obtenir l’un de ses meilleurs rôles, tandis que la chanson deviendra un standard du Jazz. Si les versions cuivrées de Don Byas, Erroll GARNER ou Clifford Brown figurent selon nous dans le haut du panier, l’utilisation de la harpe apporte un cachet inattendu. On signale au passage que Terry Pollard avait repris ce titre sur son seul disque officiel (hors compilation) enregistré en compagnie d’Herman Wright.
Autre escale à Hollywood, "The Guns Of Navarone" est un grand succès populaire avec le trident Gregory Peck/Anthony Quinn /David Niven. Les arpèges d’harpe procurent une légèreté qu’on ne retrouve à aucun moment dans la production lourdaude de Mitch Miller et permettent un parallèle avec le bouzouki et le baglama, instruments emblématiques grecs, région où se déroule le film.
Plus gros succès d’Erroll Garner, le standard "Misty" en a connu des vertes et des pas mures. Si Sarah Vaughan a contribué au succès de la version chantée, certains instrumentaux prennent une marge plus intemporelle et selon l’instrument de prédilection de tout en chacun, l’auditeur trouvera aisément chaussure à son pied. Ici, la combinaison des deux instruments offre un dépaysement total. Dernier titre avec "Gypsy In My Soul", un hommage aux nombreuses troupes théâtrales du pays, le titre ayant été composé à l’occasion du 50ème anniversaire de The Mask and Wig ('le masque et la perruque') la troupe de théâtre de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie. Composé par Clay Boland, un dentiste de l’université, la chanson connaît le succès dès la fin des années trente par l’intermédiaire de radios locales. Le titre sevoit repris par moult chanteuses Jazzy (Ella FITZGERALD, Doris DAY, Liza Minnelli), mais la présente version apporte une sonorité inhabituelle sortant des sentier battus,l’une des reprises les plus captivantes avec celle de Lester Young.

Instigatrice de la popularisation de la harpe dans le domaine du Jazz, Dorothy ASHBY, intallée en Californie, enregistre par la suite plusieurs albums recommandables comme accompagnatrice de Bill WITHERS, Stevie WONDER, Diana ROSS et EARTH, WIND & FIRE. Certaines de ses compositions connaîtront une seconde jeunesse par le biais de divers samples (Pete Rock, Blood Orange, Rahzel, Stacy Epps). L’alliance entre le vibraphone et la harpe associée à une rythmique imperturbable dans son rôle de gardienne du temple constituent des atouts non négligeables.

A lire aussi en JAZZ par LE KINGBEE :


TRIFLE
First Meeting (1971)
Un unique disque mais que du bon




Slam STEWART
Slam Stewart (1972)
Quand la contrebasse fredonne


Marquez et partagez





 
   LE KINGBEE

 
  N/A



- Dorothy Ashby (harpe)
- Terry Pollard (vibraphone)
- Herman Wright (contrebasse)
- Jimmy Cobb (batterie)


1. Soft Winds
2. Wild As The Wind
3. The Man I Love
4. My Ship
5. Love Is Here To Stay
6. I've Never Been In Love Before
7. With Strings Attached
8. Laura
9. The Guns Of Navarone
10. Misty
11. The Gypsy In My Soul



             



1999 - 2024 © Nightfall.fr V5.0_Slider - Comment Soutenir Nightfall ? - Nous contacter - Webdesign : Inox Prod