Mark KNOPFLER revient en ce printemps 2024, durant lequel il imprègne les consciences de deux manières différentes. L'une est plus originale, donc marquante, que l'autre ; vous la trouverez dans la chronique du single "Going Home". L'autre, c'est ce présent nouvel album, One Deep River.

On ne va pas se mentir, Mark KNOPFLER fait du Mark KNOPFLER, comme depuis à peu près trente ans, sans la diversité d'un Golden Heart ou celle, plus éclatante, d'un Sailing to Philadelphia. De jolies ballades folk tirant vers la country voire le celtique, même plus de blues et deux ou trois titres plus enlevés au milieu de tout cela. Cinquante minutes en tout.

Chacun le sait, soit on s'ennuie vite, soit on se laisse porter en disant que c'est beau, mais routinier, sans plus guère de surprises. Même la guitare, on le sait, elle qui a été parmi les plus flamboyantes du rock. Oui mais voilà, One Deep River a ses atouts, comme chaque album solo de KNOPFLER.

A commencer par le beau son de Guy Fletcher, profond, ample, parfaitement accordé à une ambiance largement annoncée par la pochette rêveuse, urbaine mais ouvrant sur de grands espaces, fleuve et ciel du Nord de l'Angleterre (l'iconique Tyne Bridge à Newcastle). Les chansons, ensuite, sont toutes belles, disons-le aussi sans mal.

"Ahead of the Game" a été choisi comme premier single sans qu'on s'en étonne, avec sa pop-country laid-back, jouée en finesse par un vétéran qui réunit de nouveau ses musiciens favoris : Fletcher, Worf, Cox, Bennett, Thomas et Cummings, auxquels il faut ajouter Greg Leisz, un des noms les plus importants et intelligents de Nashville. Il y a ce caractère limpide, même si on se souvient d'anciens efforts similaires ("Boom, Like That") en marge du reste de leur album.

Les ballades crépusculaires sont légion, de "Smart Money" à "One Deep River" incluse, et toutes inspirées, notamment "Black Tie Jobs" avec ses cordes-Mellotron par Fletcher assez inédites et très belles ; "Watch Me Gone", second single très 'dreamy' avec ses sons cristallins. Entre le groove folk de "Two Pairs of Hands" (troisième extrait), l'ambiance plus orientée 'pub' de "Scavengers Yard" et l'épique-étoilée "Sweeter Than the Rain", il y a une bonne sélection de tons variés avec des mélodies fraîches et servant de tremplin à la guitare majestueuse, rarement nerveuse, de KNOPFLER.

L'atout principal de One Deep River reste tout de même, outre les pedal-steel/lap-steel de Leisz parcourant chaque titre avec force, la présence aux chœurs des sœurs Topolski, suaves et totalement délicieuses. Certes, de jeunes chanteuses ont souvent partagé le micro au côté de KNOPFLER dans son ombre, notamment depuis Tracker, mais ici, le travail est plus poussé, avec en particulier ce "Tunnel 13", diamant noir du milieu de l'album, tout en réverbération. Le final planant à la "Junkie Doll" (album Sailing to Philadelphia) est bienvenu, en incluant les touches féminines.

Pas l'album du siècle, ni celui d'une carrière solo qui en comporte déjà beaucoup de similaires, mais il a, contrairement à d'autres, une part de magie et de réussite qui donnent envie d'y revenir, dès que possible.