Pour beaucoup, la carrière de France GALL s'est arrêtée avec la vie de Michel Berger. Tout le monde ou presque connait de gré ou de force les années 70 et 80 de GALL, un peu moins les années yéyé, mais la dernière partie de carrière est presque passée à la trappe. Pourtant, GALL n'a pas chômé à ce moment. Comme qui dirait un certain Freddie M., the show must go on, et elle se remet à tourner en concert une fois le deuil passé. Elle fera même un concert à Bercy, retranscrit par l'album Simple Je. Côté studio, elle va jusqu'à sortir un nouvel album en 1996, sobrement appelé France.

Un album pas si nouveau que ça, en réalité. La lecture de la tracklist est en effet explicite : c'est un rassemblement de différentes chansons écrites par Berger, et chantées soit par ce dernier, soit par France. Toutefois, il ne s'agit pas d'une compilation avec deux-trois pauvres inédits, mais d'une réinterprétation desdites chansons. Présenté comme ça, il est normal d'espérer une vision alternative de la chanson française, des interprétations plus matures et maitrisées qu'avant...
Le problème, c'est la voie choisie. France propose ici une relecture R&B du répertoire de Berger. Attention toutefois, le R&B est un genre aussi honorable que les autres, avec ses titres et chanteurs cultes comme ses daubes. De plus, voir France GALL s'intéresser à ce genre montre une certaine ouverture d'esprit (à moins qu'elle n'ait agi par opportunisme) et un album 100% original n'aurait pas été de trop. Mais le genre n'est pas adapté à la musique de Berger, loin de là. Pour faire une analogie culinaire, le chocolat est délicieux, de même que la muscade, mais mélanger les deux provoque au mieux une nausée, aussi sincère soit la recette.

Tout ce qui faisait l'intérêt, le charme et l'émotion de la plupart des chansons s'envole ici. GALL a beau avoir fait appel à de nombreux talents (dont Marc Miller, rien que ça), les musiciens ont beau entrer dans le jeu, rien n'y fait. Comme circonstance aggravante, la voix de GALL est évidente à relever. Elle paraît incroyablement fatiguée, et se force même par endroits. L'absence de Berger et le poids de la vieillesse peuvent clairement expliquer cette baisse qualitative, et de facto, il est tentant d'être humblement indulgent. Une seule chanson parvient à tirer la tête hors de l'eau, à savoir "Message personnel". C'est la seule qui n'ait pas été adaptée en R&B, et les arrangements de cordes sont plutôt beaux. Mais elle ne parvient pas à tutoyer la version originale, bien plus poignante et subtile.

A moins de vouloir être cassant ou méprisant, parler plus longtemps de l'album France ne sert pour ainsi dire à rien. La peine et la tristesse s'imposent, et un malaise ambiant s'installent. L'écoute n'est pas aussi éprouvante qu'avec les albums des années 60, mais elle n'emporte pas du tout, ou alors dans la mauvaise direction. Il est surtout dommage que ce soit cet album qui conclue la carrière de France GALL, une chanteuse qui a tout donné par le passé. C'est triste.