Il n’y a pas de hasard, le départ de BEYONCE vers les horizons prometteurs de son ascension en solo sonne l’inévitable fin du petit girlsband familial tout droit venu de Houston. Les DESTINY’S CHILD rempilent pour un dernier album, Destiny Fulfilled, dévoilé six ans après leur première sortie. Portée par le succès, BEYONCE s’émancipe telle une diva et clôt l’ultime chapitre du groupe même si Kelly ROWLAND l’avait devancée niveau carrière solo.

Il faut dire qu’en 2004, les girls groupes traditionnels s’effacent progressivement devant l’émergence d’artistes plus individualistes qui veulent revendiquer leur propre voix. Pour leur départ, les DESTINY’S CHILD alignent quelques singles davantage taillés pour les charts que pour la postérité : les ballades "Cater 2 U" - sensuelle mais au message controversé - et "Girl", un hymne sororal porté par la chaleur des harmonies de nos trois besties qui se serrent les coudes pour faire briller le R&B féminin sur une scène musicale en pleine transformation.

Deux autres singles de cette livraison restent intemporels, probablement parce qu’ils rappellent la nostalgie du début des années 2000. "Lose My Breath" se la joue coup de tonnerre rythmé, avec des percussions martiales et une urgence haletante et sexy ; alors que "Soldier" enchaîne dans une veine plus lente, plus urbaine et incarne le pont R&B/hip-hop avec des invités évidents pour l’époque - les rappeurs sudistes T.I. et Lil WAYNE.

Du côté des ballades, elles s’enferment dans cette atmosphère familière et figée où l’écho des 90’s résonne comme pour rassurer un public déjà conquis. "T-Shirt", "Love" et "Bad Habit" reprennent les codes de la slow jam sans chercher à se renouveler. Beats lents et réguliers, mélodies sirupeuses, synthés doux, oui mais ici la nostalgie s’estompe un peu trop vite, écrasée par un manque de créativité et ce en dépit d’une technique vocale flagrante. On appréciera cependant un peu plus "If" qui parvient à insuffler une vraie fragilité grâce à ses accents gospel et "Game Over", une bluette qui se révèle plus surprenante, jouant avec les rythmes ce qui lui évite de tomber dans la routine monotone des ballades conventionnelles.

À côté de ces ballades trop prévisibles, les titres plus rythmés du disque apportent un vrai rayon de soleil et démontrent que DESTINY’S CHILD maîtrisent encore l’art du R&B entraînant. "Is She The Reason" se discerne par son groove sophistiqué et ses arrangements soignés, mêlant des basses rondes à des percussions plus marquées, sans parler du fait qu’on y entend enfin clairement Michelle WILLIAMS, l’éternelle troisième roue du carrosse. "Free" poursuit sur cette lancée avec un beat planant aux inspirations soul très claires, quant à "Through With Love", on revient aux percussions militaires et à une production plus obscure et très dramatique, avec des envolées qui rappellent "Lose My Breath".

Si la cohésion vocale des trois chanteuses est toujours irréprochable, Destiny Fulfilled ne trouve malgré tout pas vraiment sa place comme un disque mémorable dans son ensemble. Trop souvent prisonnier de formules usées jusqu’à la corde, l’album ne prend jamais de risque et préfère jouer la carte du confort plutôt que celle de l’ambition. Après tout, le titre lui-même ne s’en cache pas : les DESTINY’S CHILD sont prêtes à mettre la clé sous la porte et signent un au revoir poli, ou comment boucler la boucle sans se mouiller.