Le titre est sans équivoque : quatre pièces, quatre compositeurs.
Mon petit secret honteux de chroniqueur est de quelquefois placer certains projets parallèles dans des discographies solo pour faciliter le classement. Là, c’est grillé, Four French Forms est un véritable split album. Les identités musicales que présente cet album sont trop fortes pour qu’on puisse se permettre de les mettre sous le tapis aussi grossièrement.

"La Nuit En Spirale" de Pierre Demouron ouvre l’album. Cette suite en quatre (!) mouvements est intégralement interprétée à la contrebasse. Il ne s’agit pas d’un récital mais d’overdubs formant un quatuor virtuel. La suite débute avec une note doublée à l’archet, une ouverture proche de celle de l’album Lark’s Tongues In Aspic (1973) de KING CRIMSON. J’ignore si c’était voulu, mais l’effet est saisissant. En lieu et place du mur de guitares métalliques, nous trouvons une composition très nettement affiliée à la musique 'contemporaine'; on peut penser à du ART ZOYD en moins violent. Pierre Demouron n’hésite pas à lâcher des glissandi, des harmoniques voire des demi-tons ("La Course Du Rat"). Le jeu soufflé du troisième mouvement "Lambeaux De Brume" rappelle celui du "Before The Heat" (1983) d’UNIVERS ZÉRO.

"Gemini" est la contribution de Luc MARIANNI. Il s'agit d’une composition vocale; calés sur une boîte à rythmes, les interprètes scandent des syllabes rythmées en polyphonie, à la manière des exercices vocaux "Rytmo". Vers le milieu de la pièce, une guitare électrique agit en perturbateur. "Gemini" diffère fortement des autres créations de Luc MARIANNI, mais ne peut-on pas en fin de compte en dire autant de chacun de ses albums solo?
Autre composition gigogne, le "Flashex" du clarinettiste Zex Pitron débute comme une déclamation surréaliste sur fond de paysage électronique, avant de virer du tout au tout vers une ritournelle nonchalante ressemblant étonnament à la mélodie de "Ashes To Ashes" (1980) de David BOWIE, à nouveau avivée par la guitare électrique.

Après sa participation à l’électro minimale de Video Screens Control (1984), André Viaud revient avec "Les Matériaux Impressionnistes". Il s’agit de musique électronique la plus abstraite qui soit. On est plus proche de Éliane RADIGUE que de TANGERINE DREAM : plus de mélodie, plus de nomenclature, mais les sons tous crus. Quelques notes fantomatiques nous guident à peine à travers un paysage sonore des plus glaciaux et inhospitaliers.
André Viaud a égrenné quelques autres compositions, trois sur l’album collectif Préludes (1984, non trouvé) et une autre, "Le Mauve Et L’Éternité" sur Bad Alchemy Nr 4 (1986), dans la même veine abstraite que "Les Matériaux Impressionnistes".

Éclectique mais cohérent, Four French Forms est de la belle ouvrage collective. Chacun des trois invités – non, plus que des 'invités', de véritables musiciens associés – participera au projet Six Synthetic Suites l’année suivante, qui explorera une manière pour le moins originale de la collaboration musicale.