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EXPERIMENTAL ROCK/JAZZ  |  STUDIO

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- Style : Bob Dylan , Captain Beefheart

Tom WAITS - Swordfishtrombones (1983)
Par K-ZEN le 19 Mai 2025          Consultée 297 fois

En premier lieu, Swordfishtrombones porte le sceau de Kathleen Brennan.

En effet, sous l’impulsion de celle qui deviendrait sa compagne jusqu’aujourd’hui, Tom WAITS abordait des changements décisifs pour sa seconde partie de carrière qui allait débuter. Un imposant ménage de printemps allait ainsi s’organiser : exit ses anciens musiciens, son producteur Bones Howe afin d’avoir un contrôle artistique total sur ses prochains disques, avant de récupérer royalties et droits d’auteur en attaquant le peu scrupuleux Herb Cohen qui n’en était pas à son coup d’essai, Frank ZAPPA pouvant aisément en témoigner.

Les nouvelles pièces prennent forme en 1982, durant un séjour irlandais de deux semaines où le chanteur expérimente des façons d’écrire différentes, laissant pousser les titres dans sa tête tel un potager dont on prend grand soin. WAITS y avait peu prêté attention lorsqu’il tournait avec son compère, mais pour ce départ inédit, l’influence de CAPTAIN BEEFHEART serait prépondérante, ses albums trônant apparemment en bonne place chez Kathleen. Outre le fantasque VAN VLIET, le marginal Harry PARTCH jouerait aussi un rôle clef dans ce futur à construire, l’un des musiciens du compositeur et concepteur de ses propres instruments Francis THUMM deviendrait d’ailleurs conseiller pour Swordfishtrombones en plus d’élaborer les arrangements et de tenir l’étrange harmonica de verre jadis mis au point par Benjamin Franklin. Les percussions constitueront l’axe central de l’album, WAITS ayant une idée précise en tête en excluant saxophones et cymbales au profit des marimbas, étranges objets exotiques conçus par l’ébéniste du même nom et confiés à l’homme à tout bien faire Victor FELDMAN.

"Shore Leave" fut le premier morceau que WAITS fit écouter au dirigeant d’Elektra-Asylum Joe Smith. Ce dernier fut loin d’être emballé mais décida toutefois de le laisser terminer son ouvrage, ayant d’autres dossiers autrement plus urgents à gérer tels QUEEN ou les EAGLES que le label hébergeait également. Évidemment, on peut comprendre l’homme d’affaires, le titre est plutôt difficile d’accès ! Gorgé de sons inhabituels (banjo, trombone, marimbas et même un couinement de chaise !), il a tout du courant d’air glacial passant soudainement sur les cervicales, a fortiori lorsque le climax final retentit, WAITS se métamorphosant en tenancière possédée à cette occasion, utilisant sa voix comme un instrument tel un Tim BUCKLEY dans un autre style.

Tissant une ambiance de dock à l’aspect louche renforcé par un brouillard incertain, la pièce est le premier moment fort d’un voyage sans temps mort aucun dont "Underground" est le véritable manifeste, annoncé par un Monsieur Loyal inquiétant. Plus qu’un carnaval des horreurs ou l’observation d’une fourmilière en mouvement, le bref morceau, inclus a posteriori sur la bande-originale de Robots, peint ce nouveau monde souterrain que WAITS s’apprête à visiter. Renforçant cet embryon d’angoisse, "Dave the Butcher" décrit-il véritablement un simple et anonyme boucher irlandais ? Préfigurant le "Carny" de Nick CAVE, son orgue gothique nous transporte au cœur d’une fête foraine désertée où l’ombre inquiétante d’un tueur se dessine sur les manèges.

Swordfishtrombones réussit tout au long de ses quinze pièces à synthétiser un son totalement inédit, parfaitement ancré dans le présent mais ne tournant cependant jamais pleinement le dos à un passé blues et jazzy pas si lointain. Les féroces "16 Shells From a Thirty-Ought-Six" et "Down, Down, Down" suivent les traces de Heartattack & Vine quand le déchirant "Soldier’s Things" évoque avec pudeur une tranche de vie soldatesque à travers les objets que les fantassins transbahutent d’une ville à l’autre. Authentique joyau minimal, "Town with no Cheer" se fait encore plus bouleversant, sa cornemuse brisant le silence auquel ce bourg australien est soumis depuis la fermeture de son unique bar.

Ailleurs, des pépites inclassables parviennent à transporter l’auditeur géographiquement ou temporellement. "Frank’s Wild Years" annonce le futur disque à venir du même nom via un spoken word cinématographique très Sixties. L’exercice de style dangereusement glissant "Trouble’s Braids" prend racine dans les immensités forestières africaines dont la sortie se fait sur la scène d’un cabaret louche Lynchien duquel s’échappent des notes de marimbas alimentant un titre éponyme surréaliste en diable.

Dès l’enregistrement mis en boîte, l’humeur fut maussade, comme le contrecoup ressenti après l’achèvement d’un grand ouvrage que le groupe s’attendait malgré tout à ne pas défendre en public – ce qui se confirmera suite à la grossesse de Kathleen – mais aussi et surtout parce que Asylum jetait l’éponge. Déjà peu enthousiaste au départ, Joe Smith détesta l’album et refusa d’investir selon lui à perte. WAITS quitta ainsi le label et signa en faveur d’Island, le patron Chris Blackwell étant indéniablement intéressé par l’univers du chanteur californien. À la sortie du disque, les journalistes saluèrent l’audace et éprouvèrent une relative surprise à voir l’artiste fouler un tel chemin illustré, outre son intitulé opaque, via une jaquette faisant figurer des personnages bigarrés dont un WAITS maquillé.

Kaléidoscope parfaitement équilibré, Swordfishtrombones est le premier chef-d’œuvre incontestable de Tom WAITS.

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- Tom Waits (chant, chaise, piano et claviers divers)
- Victor Feldman (marimba, cloches, orgue, percussions diverses)
- Larry Taylor (basse, contrebasse)
- Randy Aldcroft (cor, trombone)
- Stephen Taylor Arvizu Hodges (batterie, percussions, harmonica de verre)
- Fred Tackett (guitare, banjo)
- Francis Thumm (percussions, harmonica de verre)
- Greg Cohen (basse, contrebasse)
- Joe Romano (trombone, trompette)
- Anthony Clark Stewart (cornemuse)
- Clark Spangler (programmation)
- Bill Reichenbach (trombone)
- Dick (slyde hyde )
- Ronnie Barron (orgue)
- Eric Bikales (orgue)
- Carlos Guitarlos (guitare)
- Richard Gibbs (harmonica de verre)


1. Underground
2. Shore Leave
3. Dave The Butcher
4. Johnsburg, Illinois
5. 16 Shells From A Thirty-ought-six
6. Town With No Cheer
7. In The Neighborhood
8. Just Another Sucker On The Vine
9. Frank’s Wild Years
10. Swordfishtrombone
11. Down, Down, Down
12. Soldier’s Things
13. Gin Soaked Boy
14. Trouble’s Braids
15. Rainbirds



             



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