CHALK signifie craie en français.

A priori, rien ou très peu ne relie cette roche au projet agrégeant trois artistes nord-irlandais initié à Belfast en 2019 si ce n’est peut-être le bruit strident que réalise parfois le minéral taillé en bâton sur les tableaux scolaires, crispant autant certaines personnes que laissant de marbre les autres. Une trace claire troublant un support sombre, couleurs fondamentales irriguant la création d’un trio tentant de trouver un équilibre précaire entre contemplation et dynamique.

Le but de Ross CULLEN, Benedict GODDARD et Luke NIBLOCK est à la fois musical et visuel, les trois hommes étant également cinéastes. Ils apportent ainsi un soin particulier à leurs clips, via lesquels ils communiquent leurs occupations et influences profondes. Une interview nous apprend que la référence cinématographique du groupe est le mystérieux film La Jetée de Chris Marker, célèbre pour avoir inspiré Terry Gilliam et sa mythique Armée des 12 Singes.

Conditions III est, comme son nom le suggère, le troisième volet d’une série d’EPs n’étant pas passés inaperçus au sein de sphères underground multiples. En effet, les quatre titres proposés continuent de naviguer astucieusement entre post-punk, noise rock et techno, concoction détonante cultivant une tension continue ne manquant pas d’exploser en ultime instance.

"Leipzig 87" plante son décor dans l’apesanteur, atmosphère s’ennuageant soudainement via un beat entêtant irradié de voix inconnues parlant selon toute vraisemblance allemand. Ces conversations sont brièvement interrompues par des guitares très SONIC YOUTH avant que la pièce ne se replie sur elle-même, menant sans transition à la tornade "Afraid" où on s’interroge fortement concernant un éventuel emprunt vocal à un UNDERWORLD subissant une saute d’humeur. "Tell Me" assume un héritage EBM marqué, morceau rappelant fortement DAF dont les versions live doivent assurément déménager et convoquer sur scène une armée de jeunes gens aimant les pompes. Plus méditative, "Pool Scene" constitue un titre ambitieux et assez mélancolique (Sans toi, je n’apprendrai jamais résonne plusieurs fois en fin de course) qui pourrait aisément orner une iconique scène de film, qu’elle soit romantique ou pas.

Après avoir pris en charge la première partie des IDLES et SPRINTS, CHALK tourne à présent en tête d’affiche, on peut donc raisonnablement songer que 2025 sera peut-être l’année de la reconnaissance pour la formation anglo-saxonne. On attend avec une impatience non dissimulée un album complet qui soit autre chose qu’une compilation des trois EPs précédents. Mais en attendant, on rappuie sur Play afin de saisir ces nuances anthracite et crème, formant un bien étrange yaourt.