SATCHEL a été un peu vite catalogué comme groupe de grunge. D'une part parce qu'il est originaire de Seattle, la Mecque du genre, et d'autre part parce que le groupe est apparu alors que la vague grunge était à son apogée (EDC sort trois mois après le suicide de Kurt Kobain).
Pourtant le groupe évolue dans un style un peu moins rugueux et bien moins "punk" que la plupart de ses confrères. Et ce, même si ce premier album sonne encore de manière un peu chaotique et décousue, ce qui ne sera pas du tout le cas de son successeur.

En effet, nous ne retrouvons pas, dans ce premier album, la même constance et la même intensité émotionnelle que dans son successeur, l'excellent The Family, qui est la pierre angulaire de l'œuvre de SATCHEL.
Pour autant, EDC n’est pas un mauvais album. Il fait cependant un peu figure de brouillon prometteur qui annonce timidement et de manière assez chaotique et décousue ce dont le groupe sera capable de nous proposer quelques années plus tard.

Chaotique, car le style pratiqué ici balance entre des ballades chargées d’émotion et principalement portées par un piano ("Trouble Come Down", "The Roof Almighty", et surtout le magnifique "Suffering"), et des titres plus Rock et délurés, à l’image de "Mr. Brown", "Mr. Pink" et "Equilibrium".
Décousu, car le groupe a inséré en intro de certaines chansons des dialogues du film Reservoir Dogs, ce qui nuit un peu à la cohésion de l’ensemble. Il faut dire que cet album est fortement inspiré du film de Quentin Tarantino et que le groupe a d’ailleurs nommé bon nombre de chansons du nom de certains des personnages du film ("Mr. Brown"", "Mr. Pink", "Mr. Blue").

Cet éclectisme se traduit par une large variété d’ambiances et de styles. Abordant successivement (ou conjointement) les rivages du Jazz, du Rock, du Psychédélisme... Conséquence négative, on sent que le groupe peine à définir un cap bien précis et un style auquel on peut aisément se rattacher. L’ensemble n’est pas désagréable et des titres comme le sautillant "Built 4 It" ou l’énergique "More Ways Than 3" sont très convenables, mais il n’y a tout de même pas de quoi crier au génie… Du moins, jusqu’à ce que le dernier titre de l'album, Suffering" n’apparaisse.

Et là, nous changeons de dimension. Le groupe est métamorphosé et propose un titre brillant, envoûtant, gorgé d’émotions. La voix de Shawn Smith est divine. Bien que loin de la beauté angélique d'un Jeff Buckley, nous avons là une voix fragile et d’une humanité intense. Le mariage piano / vocaux est tout simplement magique. Le genre de morceau qui justifie à lui seul l’achat de ce disque, mais qui surtout annonce la direction artistique qu'empruntera ensuite SATCHEL avec son second album.

Alors, ce EDC est-il l'album d’un seul morceau ? Ce serait peut être un peu exagéré d'affirmer cela, mais ce n’est pas non plus très loin de la vérité. Le meilleur reste a venir...