Je n’oublierai jamais ma première vision d’Hellraiser, par un bel après-midi d’octobre lumineux, en compagnie de mes deux camarades préférés. Vision d’un film bien trop étrange, surréaliste pour être rangé dans la seule (et souvent pesante) catégorie "horreur". Un de ces films qui vous hante, vous obsède et continue bien après coup de vous obséder, comme la musique de COIL en somme. C’est d’ailleurs à notre cher duo qu’avait pensé un temps Clive Barker avant que de détourner son choix vers le plus consensuel (et très bon dans son genre) Christopher Young.

Mais dans le fond, que la musique de COIL n’ait pas collé pour ce film n’a aucune importance. Elle lui colle autrement et ailleurs, dans une autre dimension spatio-temporelle. Comme Pinhead, elle n’est pas tout à fait de ce monde. Ou mieux encore : elle emprunte à ce monde tout ce qui est rejeté, oublié, délaissé et l’élève au rang des étoiles, là où les rêves, de même que les cauchemars, deviennent réalité.

Unatural History II (Smiling In The Face Of Perversity), regroupe donc d’une part les thèmes frissonnants et fantastiques de Hellraiser, des vieux fonds de tiroir d’autre part, sans oublier les années Love’s Secret Domain (LSD, pour les intimes) et ses suites, c’est-à-dire la première partie des années 90. Le dance-floor (qui n’existerait pas sans les audacieuses expérimentations de groupes comme KRAFTWERK, SUICIDE, THROBBING GRISTLE, COIL…) s’est pour ainsi dire naturellement invité dans la danse, relevant par là-même tout l’aspect de magie sexuelle inhérente au projet qui nous occupe (nous obsède).

Cela s’ouvre sur "Red Weather", une symphonie de criquets soutenue par un léger beat traînant et quelques notes de basse à l’abandon, un peu comme on se réveillerait en Corse à 23h00, dans un camping sauvage mais pas tout à fait abandonné car non loin, sonne la noce. Je reconnais rapidement Pinhead, en latex noir et regard fixe, ainsi que mes deux camarades préférés qui n’ont pas changé depuis l’école, sauf qu’ils mangent maintenant des chips au plastique et que le plastique n’est pas bon pour la santé (mais ils ne veulent rien entendre, les coquins). Des étoiles dans les yeux à l’écoute de ce qui pourrait être nommé comme de la chill-house et qui n’est autre que la jouissive et mélancolique "Another Brown World", avec ses enivrants relents de salons de massage thaï. Et beaucoup de plaisir lunaire, voire martien dans ces collisions de genres et d’atmosphères divers et toujours parfaitement intégrés. Comme sur la très indus-funéraire "In Memory Of The Truth", le baroque et hanté "The Hellbound Heart" ou alors sur la caverneuse mais enchantée "No New World". Et voilà qu’après tout ce petit milliardième de seconde, nous sommes déjà à la fin ; et quelle fin, puisqu’il s’agit du puissant "Them From Blue II" suivi, après un inquiétant silence, du totalement décontracté du gland "The Hills Are Alive".

On se réveil ensuite les yeux collés comme qu’on avait 15 ans et la mémoire aussi embrouillée que celle d’un centenaire en phase de réincarnation.

"And Jesus Wept"