Il est là, le petit Dwayne. Sur la pochette, avec ses tattoos pleins la face et ses yeux d’enfant rêveur, l’air de dire "Tu te souviens ?". Oui, Lil WAYNE, on se souvient. On se souvient qu’il avait tout juste douze ans quand il a débarqué dans le rap game. On se souvient des premiers chapitres de Tha Carter, du moment où il se proclamait meilleur rappeur vivant et que personne n’osait le contredire. En 2025, Weezy Baby sort Tha Carter VI et nous présente un gosse encore intact, avant le succès, le fric, les grillz, la dope et la voix filtrée. Avec cette pochette qui rappelle tour à tour celles de Tha Carter III et IV, on s’imagine que le rappeur a peut-être quelque chose à dire, qu’il a retrouvé une voix sans auto-tune, celle des premiers jours…

Je sais, je n’ai berné personne avec mon petit monologue, ma foi, est-ce un péché de garder l’espoir même quand nos vieux rappeurs nous déçoivent à tour de bras ? Pourtant, je suis bien obligée de l’avouer, mes espérances s’effondrent aussi rapidement qu’il faut pour appuyer sur ‘play’ : une intro à la basse bien appuyée, "King Carter", qui joue à fond la carte mélodramatique avec cette ambiance pseudo majestueuse mariant section de cordes et guitare électrique. Sur "Welcome To Tha Carter", WAYNE revient à ses bonnes habitudes : un beat aux consonances old school, plutôt sympa, sur lequel il flexe autant qu’il ne déclare sa loyauté (Respect, I don’t demand, I deserve, my standards superb/Family first, family second, family third).

Puis vient "Bells" et le malaise s’installe. Ding dong, littéralement. Instru qui donne le tournis, flow chaotique, cloches pitchées et texte tellement peu inspiré qu’on évite vraiment de justesse d’être témoin d’un refrain où Weezy ferait rimer ‘Taco Bell' avec ‘bells’. Ouais, on en est là et le niveau reste d’une faiblesse navrante sur la majorité des dix-neuf titres. Des featurings tièdes comme "Sharks" avec Jelly ROLL et Big SEAN, le groove R&B à l’ancienne de "Bein Myself" avec son vieux pote Mannie FRESH, "Cotton Candy" qu’il partage avec 2 CHAINZ. Ça commence à en faire, non ? Weezy ne s’arrête pas dans son élan puisqu’il y a aussi la trap lente sous anxiolytiques "Mula Komin In" sur lequel Lil WAYNE rappe aux côtés de Lil NOVI, mais surtout l’affligeant "Rari" où Kameron CARTER - le fils de Weezy - 16 ans à peine, dégaine l’auto-tune aussi vite que son père.

J’ai failli oublier "Alone In The Studio With My Gun" avec Kodak BLACK et MGK, c’est dire à quel point le titre m’a marqué ! Le beat est minimal pour ne pas dire naze, et les lyrics ? Et bien, j’ai le regret de vous annoncer qu’elles sont toujours en roue libre (I’m alone in the studio with my weaponry/I got guns all over me, they so affectionate)… Il faudrait aussi mentionner la daube cosmique que Wyclef JEAN nous a bidouillée en samplant Andrea BOCELLI sur "Maria". S’il y a bien une chanson qui pourrait illustrer le mot malaisant, ce serait celle-là.

Cependant, j’ai été un peu plus réceptive au beat du featuring "Hip-Hop" même si je m’attendais à une lettre d’amour au genre qui a fait le succès de WAYNE. L’auto-tune coule à flots, je m’attarde sur les paroles et grand mal m’en a pris ! En plein bad trip sous sirop, Weezy oublie de nous parler de son héritage et de ses racines pour aller puiser dans l’absurde (Carter 6-6-6, demon time, tick, tick, tick/Barrel to your temple like a pimple, nigga, it go zit-zit-zit/Promethazine, I don’t even smoke gasoline/Fuck you, no vaseline). Et bien, il y en a qui n’ont pas peur de pousser mémé dans les orties, hein ?

On continue péniblement sur les beats génériques de "Flex Up", "Loki’s Theme" et "Banned From NO" où l’auto-tune dégouline à mort, avant de frôler l’expérience conceptuelle avec la guitare acoustique molle et l’auto-tune (toujours omniprésent !) de "If I Played Guitar", c’est tellement mauvais que c’en est presque comique, comme sur l’affreux freestyle "Peanuts 2 N Elephant" grâce auquel vous pourrez assurément vous payer une bonne tranche de rire.

Déprime totale avec le sample de WEEZER sur "Island Holiday" mais ce n’est rien comparé au duo "The Days", une espèce de pop-électro chantée avec BONO. Ouais les gars, vous avez bien lu, BONO, l’icône aux lunettes teintées. Moi je vous dis, quand on a le flouze, le blaze et la réputation de Lil WAYNE, c’est facile de pouvoir s’offrir en cadeau un duo avec un artiste comme BONO qui ne dit jamais non. Une petite chanson par-ci, une fondation par-là, on sourit et on encaisse le chèque pour arrondir ses fins de mois et parrainer une énième cause caritative. Win-win pour les deux camarades qui se prennent très au sérieux, et tant pis pour nous, si jamais on avait encore un brin d’espoir.

Je vous fais grâce du dernier morceau, "Written History", qui aurait pu être un titre noble ou un bilan plus authentique mais qui n’est rien de tout ça. Alors le gosse sur la pochette, que nous dit-il ? Pas grand-chose car ce Tha Carter VI qui devait être un retour aux sources ne présente rien de nouveau, et rien de bon non plus. Des beats en pilotage automatique, des refrains sous perfusion d’auto-tune systématique et des punchlines déglinguées qu’il marmonne sans tenter de raviver la technique des débuts. Si on aime Lil WAYNE aujourd’hui, c’est pour ce qu’il a été et pour l’influence qu’il a eue plus que pour son actualité. Le gamin prodige de la Nouvelle-Orléans a bien grandi. Il n’est pas fini mais il est figé et a surtout oublié comment livrer du rap de qualité.