Ce projet est l’œuvre du claviériste français Patrick MIMRAN, lequel a déjà créé deux albums de musique électronique, et du violoncelliste allemand Wolfgang TIEPOLD ayant œuvré dans le jazz, la variété mais ayant aussi enregistré avec d’autres artistes de musique électronique tels que Klaus SCHULZE et Robert Schröder. Wolfgang TIEPOLD étant également chef d’orchestre, il a rameuté rien de moins que l’Orchestre Symphonique de Munich, ainsi que plusieurs musiciens additionnels. Il s’agit d’un projet chanté, le seul de ce genre pour Patrick MIMRAN à ma connaissance, interprété par le contreténor anglais James Bowman. Rick WAKEMAN a lui aussi combiné électronique et chant lyrique, sur les albums A Suite Of Gods (1988) avec Ramon Remedios et Black Knights At The Court Of Ferdinand IV (1988) avec Mario FASCIANO.

Si A Suite Of Gods est décevant et trop long, les deux autres albums sont plus intéressants. Ils ont en commun d’être plutôt rythmés, variés et modernes (pour l’époque) dans leurs sonorités. La particularité de Qui Mal Y Pense est l’inclusion de guitares assez mordantes et de l’orchestre symphonique, un mélange électronique - électrique - lyrique - symphonique unique en son genre, à ma connaissance. Dit comme ça, on peut s’attendre à de l’imbitablement kitsch, mais pas tant que cela, en fait.

Les premier et dernier morceaux sont les plus convaincants car les mieux rythmés, ce registre convenant le mieux au style musical de l’album. L’ensemble, composé à quatre mains, laisse logiquement moins transparaître le style musical de Patrick MIMRAN que ses albums solo. On trouve tout de même par moments ses belles harmonies caractéristiques en mode mineur, comme sur "I’ll Give You" ou quelques passages de "When Love Has Gone Away". Les ballades successives "Where’s Our Love?" et "When Love Has Gone Away" viennent quelque peu doucher l’enthousiasme du scud introductif "Honni Soit…". C’est joliment mélancolique, certes toujours sous-tendu par une rythmique bien lourde (tellement réverbérée qu’il n’est pas toujours évident de savoir s’il s’agit d’une batterie ou une boîte à rythmes), mais un peu trop sentimental. L’album de Rick WAKEMAN avec Mario FASCIANO était moins homogène et plus expansif mais avait l’avantage de proposer davantage de contrastes dans les compositions, ce qui évitait les épanchements excessifs. Les trois morceaux restants se situent quelque part entre ces deux tendances mélancolique et dramatique et sont plus satisfaisants. Le beau thème "Hengameh" (et seul instrumental de l’album) conclut idéalement l’album.

Sur Antagonist (2023) de APASHE, les éléments orchestral, électronique et pop s’entredéchiraient sauvagement pour ne donner qu’une infâme charpie pseudo-symphonique, sans véritable identité (excès inverse : l’intimisme creux à la Sofiane PAMART ou Charles LECLERC). Ce n’est pas le cas de ce Qui Mal Y Pense qui, malgré un léger déséquilibre structurel, a un beau souffle lyrique, dont l’éventuelle boursoufflure ne se dégonfle pas façon ballon de baudruche. Un tel mélange de couleurs musicales ne se rencontre pas tous les quatre matins. De la belle ouvrage.

3 ½ sur 5