Sans trop vouloir paraître langue de bois, il y a des gens pour qui écouter un album de Eddy MITCHELL, c'est un peu comme aller au charbon. Même si on écoute très bien les autres noms de la grande époque qui ont dépassé le cadre 'yéyé', comme HALLYDAY, DUTRONC... Peut-être parce qu'ils ont moins été atteints par le syndrome du chanteur variété ; même si Eddy sonne rock quand il faut, il garde toujours ce côté 'endimanché', et puis la voix moitié bouledogue, moitié vieux chat bougon... D'un côté ces quelques tubes très isolés et qui ne sont pas too-much au moins ("Sur la Route de Memphis"), de l'autre, ces albums comme Rio Grande (1993), profondément décevants car la chanson-titre est un écrin de merveille qui surnage au milieu du reste... Au final, c'est un peu comme le débat SOUCHON-VOULZY, beaucoup diront toujours SOUCHON mais non, pour vous cela reste VOULZY, donc Johnny aussi ; bref, celui qui fait moins 'bon chic bon genre français'.

Mais des exceptions demeurent, et il faut gratter un peu la carrière de monsieur Eddy pour trouver quelques albums formidables, passionnants de bout en bout ou presque. Amigos, par exemple, son dernier en date et dont on peut parler avec recul, d'autant mieux que le principal intéressé se repose après avoir dû annuler sa tournée d'été. L'équipe est sensiblement la même que pour Country Rock (2021) avec un bon groupe de musiciens français solidifié encore par la présence de quelques Américains, le tout sous la houlette de Michel Amsellem aidé par Alain Artaud niveau réalisation, plus Michel Gaucher qui gère les cuivres. Et donc, les habituels Loica Kunstlich, Basile Leroux, Bernie Dresel, Jean-Yves Lozarc'h, Bill Payne, Pierre d'Angelo, Eric Mula et Christian Martinez. Parmi les quelques changements, si Charlie McCoy n'est pas de la partie cette fois, Jerry Douglas vient seconder Leroux et Lozac'h question dobro/lap steel pour une couleur blues-country digne de ce nom.

Les chansons, écrites en partie par Claude Moine alias Eddy MITCHELL, offrent la participation d'abord de son épouse Muriel (les paroles de "Big Jim") pour l'intimité, ensuite de personnes renommées comme SANSEVERINO ("Travailler"), Pascal OBISPO (la musique de "Tu Es Son Homme"), Alain CHAMFORT et son complice Pierre-Dominique Burgaud ("Amoureux") et enfin, puisqu'on en parlait, monsieur Alain SOUCHON et son fils aîné Pierre très présents sur deux titres, dont "Boogie Bougon". Ce titre avec ses jeux rythmiques textuels sentant bon l'empreinte de la Souche est parfait pour le côté vieux chat de notre Eddy national. Notons les choeurs suaves menés par Loica Kunstlich et le solo de piano honkytonk par Payne ou Amsellem. L'autre chanson concernée, "En Décapotable Pontiac", use cette fois du même grand monsieur Eddy que "Sur la Route de Memphis" mais sur trois temps rythmiques, en mode road-movie, sentiments nostalgiques troublés par le côté bad boy et les forfaitures.

On se demande à quel point les artifices modernes du studio aident le crooner numéro 1 français à maintenir son rang, certaines transitions semblent bien huileuses, mais enfin, la qualité globale est là. Le "Amoureux" de notre CHAMFORT brave & co reste très joli, ouvert par un arpège western et qui manque d'être un vrai duo avec dame Kunstlich. Pour "Travailler", SANSEVERINO fait du SANSEVERINO et cela convient à notre interprète, histoire aussi de mettre un peu de satire sociale dans son beurre, voire politique (à se demander de qui il est vraiment question). On relève également une superbe reprise du plus grand tube de MELANIE alias Melanie Safka, chanteuse folk-rock américaine des années 70 etc, "What Have They Done to My Song, Ma", devenue "Ils Ont Changé Ma Chanson" pour DALIDA. Eddy se fait une joie de l'entonner, passant du rhythm'n'blues au swing des familles, et une humeur à en découdre façon "Excuse-Moi Partenaire".

On apprécie les cuivres autant que les choeurs discrets sur la jolie ballade country "L'Aventure N'est Jamais Loin", qui mentionne les épopées littéraires modernes (Moby Dick, Long John Silver) avec des images que la vie quotidienne ne devrait jamais effacer. Idem pour "Big Jim" et son ambiance western, puisant dans les romans de Jim Harrison. MITCHELL évite les écueils, même si certains titres sont moins marquants ils ne portent nullement atteinte à la bonne ambiance de cet album. Ainsi, la simpliste "Tu Es Mon Homme", petite sucrerie soft-rock, "Hey Mama" un peu plus tendance blues du Delta où le chanteur Eddy y va de son râclement de cailloux (vocaux), enfin "De l'Air" plutôt lancée sur un tempo boogie, sans cuivres et toutes guitares dehors. Peut-être pas un classique de Schmoll, mais un élément positif, tout à fait équilibré.